Voyage en Cantabrie

du 28 mai au 1er juin 2014
texte et photographies par Francis DABOSI Professeur d'Université (H)

 

Dès 6h30, nous étions 42, prêts pour le départ en Cantabrie, destination en 2014 du traditionnel voyage du pont de l'Ascension. Sur l'autoroute, une halte sur le site dédié à l'histoire du Tour de France nous laisse présager les pluies qui saluent notre arrivée dans le Guipuzkoa.Voici Fontarabie, Irun, puis la route côtière, en surplomb sur les dalles schisteuses, qui déroule ses villages de pêcheurs entre Océan et montagne: Guetaria, Zumaia, Ondarroa. Atmosphère brumeuse, végétation exubérante: cette Espagne Verte a des allures de Suisse maritime...

Céramique murale (Picasso)Estuaires profonds, vallons, falaises et prairies se succèdent, émaillés de villages et de fermes isolées aux façades blanches à colombages. Guetaria, ancien port de pêche à la baleine précède Zumaia puis Ondarroa avec son église surélevée, telle une figure de proue. Nous voici en Biscaye qui, avec le Guipuzcoa et l'Alava (à l'intérieur des terres), constitue la Communauté du Pays Basque (euzkadi).

A Guernica, première étape, nous découvrons au déjeuner quelques plats du terroir. Débute ensuite, sous la conduite de Karine, la visite de la ville, meurtrie par le terrible raid de l'escadrille de la Légion Condor, le 26 avril 1937. Picasso immortalisa ce drame dans une gigantesque œuvre figurative présentée à Paris en juillet 1937, rendue en Espagne en 1981.

Une reproduction en céramique décore un mur du quartier historique épargné par le raid aérien. Les deux-tiers des habitations furent incendiés et des centaines d'innocents (voire des milliers) périrent. Fondé en 1366, le petit port de Guernica-Lumo, sur l'Oka, devint la capitale politique et religieuse de la Biscaye avec l'implantation des assemblées législatives, les serments des Seigneurs de Biscaye puis des Rois et des élus de la Communauté autonome basque, sous le fameux chêne de Guernica, symbole de paix. Symbolisme de l'Arbre sur le vitrailL'arbre actuel a remplacé en 2004 celui dont le tronc est conservé dans un pavillon du domaine où fût bâtie, entre 1826 et 1833, la Casa de Juntas del Sinorio de Vizcaya. Cet édifice néo-classique révèle des salles prestigieuses : la Vidriera (salle du vitrail), dont le vitrail central de 235 m2 regroupe autour du chêne les diverses juridictions, s'enrichit de petits vitraux figurant les édifices seigneuriaux de la province. La Salle de l'Assemblée, avec les 26 portraits des Seigneurs de Biscaye, possède un pupitre (ex-autel), symbole de l'unité Eglise-Parlement. L'organe législatif fut suspendu entre 1879 et 1979. L'église votive Santa Maria (15ème S.), mêle gothique et Renaissance dans trois nefs avec voûtes en croisées d'ogives gothiques, s'achevant sur des absides. Les Musées de la Paix et Euskal Herria ont leurs façades de pierre décorées de somptueux blasons.

Nous reprenons la route en direction de Suancès, où nous serons hébergés. Après le contournement de Bilbao, nous pénétrons en Cantabrie, à Portugalate ; plus loin, Castro Urdiales domine une vaste baie. La côte déploie un chapelet de golfes, péninsules, caps et baies splendides aux longues plages de sable, contrastant avec les bocages d'élevage et les massifs montagneux. La Cantabrie est bien cette région qui a les pieds dans l'Océan et la tête dans les montagnes....Voici Santander, puis Hinojedo, faubourg de Suancès. Notre hôtel - ancien palais du 18ème S. au décor rustique traditionnel - va, durant notre séjour, nous être totalement réservé !

Dès le lendemain matin, nous partons à la découverte de Santander, capitale de la Cantabrie, blottie dans une vaste baie. Le Portus Victoriae Luliobrigentium des Romains est connu dès 28 av. J.-C., avec les guerres cantabres contre Rome. Cathédrale Santa Maria de la AsuncionLors de la conquête musulmane, les habitants de la Meseta s'y réfugient et fondent des monastères. Durant la période wisigothe, les reliques des Saints Emeter et Chélidoine, martyrisés sous Dioclétien, sont cachées dans les ruines des thermes romains sur lesquelles va s'ériger la Cathédrale Santa Maria de la Asuncion.

Le nom actuel de la ville serait issu de Sancti Emeterii,Sant Emeter en latin vulgaire. Alphonse VIII octroie privilèges et franchises à Santander devenue villa abbatiale. Les échanges commerciaux croissent jusqu'au 16ème S., avec les chantiers de la flotte royale de Castille, avant de décliner jusqu'en 1750 par suite d'épidémies et de l'essor de Bilbao. Elu diocèse avec statut de ville, octroyé par Ferdinand VI, Santander développe son commerce avec les colonies américaines et devient capitale de la région en 1801. Le 19ème S. est celui de l'expansion urbaine, marquée de soubresauts dramatiques : explosion d'un cargo, immense incendie du centre ville en 1941. En 1913, Alphonse XIII avait cependant inauguré sa résidence d'été sur la presqu'île de la Magdalena. C'est le déclic d'un vaste programme de reconstruction d'immeubles prestigieux, de larges avenues (Calvo Sotelo), très commerçantes, du quartier résidentiel du Sardinero, d'esplanades, de places (Porticada, face à la cathédrale) et de jardins en bord de mer (paseo de Pereda aux maisons traditionnelles à balcons vitrés), le long de Puerto Chico. Ajoutons à cela le port de pêche, une douzaine de plages (dont Los Peligros, Magdalena, Biquinis et l'incontournable Sardinero), le Casino et le site du Cabo Menor. Santander est bien la perle de la Cantabrie, destination estivale prisée, riche de nombreuses manifestations avec ses cours d'été de l'Université internationale Menendes y Pelayo et son festival international de musique.

En dépit d'une météo assez médiocre, notre guide Amelia et Karine nous fîrent découvrir ces sites, agrémentant notre plaisir des yeux de leurs commentaires éclairés. L'accès à la cathédrale, aux allures de forteresse, se fait par le cloître gothique restauré après 1941. Dotée d'un beau retable baroque et d'un bénitier - ex-bassin à ablutions musulman - rapporté de Séville en 1248, elle est édifiée sur l'Eglise del Cristo, à laquelle on accède par le portail sud de la Cathédrale; dans cette crypte à trois nefs basses et piliers cruciformes, un Christ en croix de l'Ecole castillane veille sur le maître-autel; les vestiges d'une maison romaine, visibles sous le sol de la crypte, ont abrité les reliques des deux Saints.

Une promenade en petit train dans la presqu'île de laMagdalena offre de superbes perspectives, notamment sur El Sardinero. Un petit zoo aquatique jouxte les répliques de deux galions qui permirent à Francisco de Orellana d'explorer l'Amazonie.

On aimerait pouvoir prolonger au delà de la matinée la visite de cette station balnéaire très élégante...

Barcena Mayor : vieilles demeuresAprès le déjeuner, nous changeons de cap et partons à la découverte, dans l'intérieur des terres, de Barcena Mayor, dans le Parc Naturel de Saja Bessaya. Ancien lieu de chasse à l'ours et au loup, le village abandonné est réhabilité en 1979. Niché au fond de la vallée du Rio Argoza, on découvre enfin, sous la pluie, ce bourg de 85 âmes en 2009.

Objet d'une restauration méthodique, entouré d'un maquis aux parfums méditerranéens, le village a gardé son cachet médiéval avec ses ruelles pavées, ses maisons de pierre du 17ème S aux balcons fleuris, ses lavoirs, ses fours à pain et quelques rares boutiques d'artisanat : un vrai village de montagne, le plus ancien d'Espagne dit-on. Un décor de carte postale, chargé de poésie mais dépourvu de vie, surtout un jour de pluie...

 Lors du dîner à l'hôtel, la convivialité fût, en revanche, au rendez-vous !

La troisième journée nous conduit au coeur des Picos de Europa, dont l'économie rurale et touristique se double d'un riche patrimoine religieux et de sites naturels remarquables. La météo consentit même à se montrer plus clémente que la veille....

 Vingt kilomètres seulement pour atteindre l'entrée des Gorges de LaHermida qui donnent accès aux massifs, culminant à 2648 mètres à la Torre de Cerredo. Le défilé, long de 20 kilomètres (!), offre un spectacle grandiose : le fleuve Deva y a creusé en dents de scie des gorges étroites et obscures entre des falaises abruptes, hautes de plusieurs centaines de mètres. A mi-parcours, la statue d'une truite symbolise son abondance dans le torrent. Plus loin, l'Eglise mozarabe de Nostra Seniora de Lebena (10 ème S.) dresse son clocher au dessus des peupliers. On débouche sur le bassin verdoyant de Potes où pâturages et vergers sont dominés par les crêtes de la chaîne centrale. Monastère de Santo Toribia de LiebanaBarrières en bois et murets en pierre confèrent au paysage un aspect campagnard, typiquement cantabrique. L'artisanat du bois y est prospère : sabots décorés (abarcas), récipients pour le lait (jemosos), écuelles (cocinos). Nous allons d'abord au Monastère Santo Toribio de Liebana, imposant couvent franciscain, restauré, riche d'éléments pré-romans. Son importance symbolique est très grande. On y conserve en effet le Lignum Crucis, considéré comme le plus grand morceau connu de la Sainte Croix qui aurait été ramené de Palestine au 5ème S. Santo Toribio fût surtout l'une des toutes premières retraites monastiques. Le moine Beatus y rédigea ses commentaires sur l'Apocalypse au début du 8ème S. Des copies, enluminées dans le plus pur style mozarabe, sont exposées dans le cloître du 17ème S.

Le moine Turibe, évêque de Palancia, fondateur du monastère de Turieno, s'y retira selon la règle bénédictine. Le monastère se développe lors des invasions arabes, servant de refuge aux catholiques. Vendu en 1837, le couvent est rénové en 1961. L'église actuelle, gothique cistercienne, avec trois nefs et absides polygonales, date de 1256. Les styles s'y superposent : préroman, gothique, mozarabe et asturien. L'abside principale abrite une image de Notre Dame des Anges. Une autre abside héberge une statue de Saint Thoribe du 14ème S. Les chapiteaux représentent des oiseaux et des taureaux, censés avoir aidé le Saint. Les portes, de style roman, sont plus anciennes. La porte au nord conduit à une chapelle baroque (1705) qui conserve le Lignum Crucis. La Porte du Pardon comporte des statuettes en bronze des Apôtres et ne s'ouvre que si le 16 avril, fête de Saint Toribio, tombe un dimanche. Ce fût le cas en 2006. L''année sainte liebaniega court alors jusqu'au 16 avril suivant. Les fidèles qui s'y rendent, réputés lavés de leurs péchés, doivent ce privilège à une Bulle de 1512 du Pape Jules II. Cela place le monastère au rang de Jérusalem, de Rome et de Saint Jacques de Compostelle.

L'histoire du Lignum Crucis (Croix de Golgotha) est associée à Sainte Hélène, impératrice romaine du 4 ème S.. Elle l'aurait découverteà l'emplacement du calvaire, dans un temple voué à Aphrodite, auquel aurait succédé la Basilique du Saint Sépulcre, détentrice des clous, des trois croix et du titulus crucis INRI apposé par Pilate sur l'une d'elles. Puis on perd la trace de la croix, fragmentée lors de nombreux conflits. Expertisée en 1958, des scientifiques authentifièrent son bois de cyprès issu de Palestine. Conservée dans un reliquaire en argent doré, on pût la voir et la toucher, ce qui n'est pas anodin. La vue sur la vallée de Camaleno et sur Potes, depuis un petit ermitage conclut la visite.

 Sommets autour du cirque de Fuente DeLe déjeuner, à Potes, nous permit de savourer dans un cadre traditionnel des spécialités du terroir local. A un cocido labaniego (pot-au-feu à base de pois chiches) ou à des ragoûts de gibier fût préféré un cocido montanes (à base de haricots blancs, de boudin noir morcilla, de chorizo et de lard tocino); un verre d'arujo (eau de vie régionale) clôtura agréablement le repas. Les fromages locaux (cabrales), au lait de brebis fermenté, sont élaborés selon le protocole du roquefort.

Au programme de l'après-midi figure la découverte du Cirque de Fuente De, avec l'ascension en téléphérique jusqu'au Mirador del Cable (1850 mètres) atteint en quelques minutes ; le plafond nuageux limite hélas les perspectives sur la haute chaîne. Le Parc naturel des Pics d'Europe, à peine distant de quelques dizaines de kilomètres de l'Océan, s'étend sur la Cantabrie, le Léon et les Asturies; il est réputé pour sa faune et sa flore abondantes. Formé de trois massifs (Andara, Urieles et Comion), il a été déclaré Réserve de Biosphère par l'UNESCO en 2002. Le cirque glaciaire de Fuente De, proche des sources du Rio Deva, est superbe. Les nuages cotonneux coiffent les sommets, laissant cependant percevoir les falaises vertigineuses de calcaire et de dolomie, parsemées de lapiaz. 900 mètres plus haut, on débouche sur un relief karstique parsemé de vastes entonnoirs (hoyos). Les plus audacieux d'entre nous s'avancent sur un sentier de randonnée du parc ; d'autres tentent d'apercevoir des mouflons sur les îlots herbeux. Les moins téméraires se satisfont de la présence de choucas venus quémander quelque nourriture. La fraîcheur et la pluie précipitent notre retour vers le car. La dernière étape du jour est consacrée à Potes, charmante bourgade prisée des randonneurs, au confluent des rios Deva et Quiviesa, bénéficiant d'un microclimat favorable à la vigne. Créé au 7ème S., sous Alphonse 1er, Potes est l'un des plus beaux villages de Cantabrie. Son statut de ville au 13ème S. lui octroie des faveurs royales. Sa position stratégique attira la convoitise de plusieurs familles nobles. Le Marquis de Santillana del Mar obtint du Roi Jean II la cession de ce territoire. Diego Hurtado de Mendoza créa le titre de Duc de l'Infantado, finalement cédé aux Rois Catholiques en 1475. La vieille ville médiévale déploie son dédale de ruelles et d'escaliers. L'imposante Tour de l'Infant (15ème S.) trône au bord du rio ; ce cube de pierre de 4 étages est allégé par des tourelles d'angle, une corniche à modillons, des échauguettes couronnées de créneaux et une grande horloge. La vieille Eglise San Vicente, reconstruite entre la fin du 15 et le 17ème S., a été à son tour remplacée par la nouvelle Eglise paroissiale. Les ponts de la Prison et de San Cayetano ne manquent pas de charme, tout comme le moulin et les multiples maisons des 17-18ème S.

Sur le chemin du retour, les petits bourgs égrènent leurs demeures dotées d'imposants balcons vitrés, les miradors. Les pâturages jouxtent les forêts d'eucalyptus créées après les déboisements massifs liés aux constructions navales. Le beau temps revenu incite notre guide à bousculer un peu le programme initial ; nous rejoignons le bord de mer à la petite ville de pêcheurs de San Vicente de la Barquera !

Sous un vigoureux soleil de fin d'après-midi, la fraîcheur et les couleurs du pays nous émerveillent. L'Eglise Santa Maria de los Angeles, le Château et les ruines d'un rempart dominent l'estuaire du Rio Escudo, offrant un superbe tableau de la corniche cantabrique avec ses plages et, en toile de fond, quelques échappées sur les Pics de l'Europe. Une courte halte nous révèle le Pont de la Maza, avec ses 28 (ou 32 ?) arches, œuvre majeure de l'ingénierie médiévale, construit au 16ème S., tout comme le Pont du Parral, sur ordre des Rois Catholiques. Long de plus de 500 mètres, tout en pierre, il se substitua sous Charles III à un pont en bois. Autour de l'estuaire de San Vicente de la BarqueiraLa légende prétend qu'il faut traverser ce pont en apnée pour voir se réaliser un vœu formulé en secret...Le littoral déroule en alternance falaises escarpées, marais paisibles, estuaires sinueux, bocages secrets et plages au sable blanc (Las Fuentes, Oyambre,...). Le contraste est saisissant, entre les plages à la mode (telles celles de Santander) et celles-ci, au creux d'anses sauvages, dominées par des pâturages et des fermes d'élevage !

L'après-dîner nous réserve encore un moment chaleureux avec la surprise d'une soirée dansante débridée où se révélèrent des talents méconnus !

L'avant-dernière journée nous conduit au seuil d'un site d'exception; nous voici, en effet, prêts à plonger dans les profondeurs du temps et ...de la terre à la grotte ornée d'Altamira, inscrite par l'UNESCO depuis 1985 au Patrimoine Mondial de l'Humanité! Rien n'évoque en surface les abords karstiques habituels des grottes et des avens. On est pourtant bien en présence d'un ensemble pictural magdalénien de la fin du paléolithique supérieur, créé 15 à 12.000 ans avant notre ère. La découverte en 1879 de cette grotte, longue de 270 mètres, par Marcelino Sanz de Santuola fût accueillie avec scepticisme. 20 ans plus tard, des découvertes semblables en Dordogne firent enfin admettre l'existence d'un art pictural très élaboré dès l'âge de la pierre taillée.

Malheureusement, comme pour Lascaux, l'affluence des visiteurs dans les années 70 entraîna sa fermeture en 1977, puis sa réouverture partielle en 1982 et, enfin, la fermeture totale en 2002.

Comme pour Lascaux, la néo-grotte d'Altamira est uneréplique fidèle del'entrée de la grotte et de la célèbre salle des polychromes qui lui valut le label de Chapelle Sixtine de l'art quaternaire, proposé par Joseph Delachette.. Le principe d'un fac similé tridimensionnel, accepté dès 1928, fût suivi d'effet avec la construction d'un bâtiment en1997 et la réalisation de cette neo-cueva en 1999.

Altamira caractérise l'art préhistorique franco-cantabrique par le réalisme des représentations et des thèmes animaliers; de nombreux bisons des steppes, polychromes, décorent la roche, exploitant comme à Lascaux le relief naturel de la paroi; s'y intercalent des silhouettes de chevaux, cerfs et taureaux, 2 sangliers (ce qui est rare) et des signes tectiformes énigmatiques avec un mobilier de coquillages et de parures en ambre. Les prouesses de la technologie moderne ont permis de réaliser un fascinant ensemble. Collégiale Sainte JulienneLe Musée, non moins intéressant, propose une exposition didactique de qualité (vidéos, dessins animés, panneaux, vestiges et maquettes) qui évoque, au fil des salles, ce que fût la vie difficile de nos lointains ancêtres. On prend conscience de leur lutte pour la survie de l'homme...

Voici venue l'heure de la visite de la fameuse cité médiévale de Santillana del Mar, proche d'Altamira. Située sur le Chemin septentrional de Saint Jacques de Compostelle, ce centre touristique de quelques milliers d'âmes est, pour J.-P. Sartre dans La Nausée, le plus joli village d'Espagne. Il est célèbre pour sa Collégiale Sainte Julienne du12 ème S, point de départ d'un réseau de rues, places et édifices dont l'architecture et les façades décorées de blasons fastueux témoignent de son rayonnement. Tout débute au 8ème S. quand des moines, chargés des reliques d'une martyre, Julienne, bâtissent un petit ermitage près du hameau de Planès. L'appropriation de terres et de donations des fidèles, les privilèges royaux accordés et le repeuplement de la région permettent la création du monastère et du village de Santa Juliana, étape majeure sur le Chemin de Saint Jacques, conforté par le for d' Alphonse VIII en 1209. Le déclin de l'abbaye profite ensuite au Marquis de Santillana et au Duc del Infante de Potes jusqu'à la création de la mairie en 1833. Entre temps, la cité connut un regain d'essor, lié aux richesses ramenées des Amériques. Dans la cité médiévale, actuel Centre de référence de la Cantabrie, l'animation est grande autour de la Collégiale, dans les rues del Rey, Canton, Carrera ou de Juan Infante menant à la place du Marché ou encore sous les tours gothiques de Merino et de Don Borja. Revenons sur la Collégiale; elle comporte trois nefs, une coupole, un transept, trois absides, avec voûtes en berceau d'origine. Les sculptures sont superbes, qu'il s'agisse du portail principal avec son Christ Pantocreator byzantin et l'atrium flanqué de deux loups ou des chapiteaux du cloître aux motifs floraux et bibliques, A l'intérieur gisent des tombeaux médiévaux et des reliefs romans des 11-12èmes S. Un maître-autel avec parement d'argent repoussé en surmonte un autre de facture romane. Le retable du début du 16ème S. comporte une predelle de la fin du gothique et une image baroque de Sainte Julienne entre deux colonnes salomoniques. Le Palais de Velarde, de son côté, se signale par safaçadedotée de pinacles décoratifs et d'un balcon plateresque avec large linteau et colonnes à balustres. Les Dominicains, sous la protection du Duc del Infantado, ont édifié le Couvent de Regina Coeli, actuel Musée Diocésain, de tradition gothique, influencé par le style Renaissance herreriano.

L'après-midi est consacrée à la visite de Comillas, station balnéaire huppée, déclarée site historique et artistique en 1985, avec une architecture typique de la fin du 19ème S.. Ses rues pavées, ses petites places, ses manoirs et un certain nombre de tours et d'édifices modernistes en font le charme. Des demeures typiques de la région jouxtent l'Eglise San Cristobal, l'ancienne Mairie aux superbes blasons et la fontaine de Tres Canos. La réputation de Comillas est aussi très liée à son passé seigneurial et ecclésiastique. 5 prélats y sont nés: c'est la Villa de los Arzobispos. L'Université pontificale, de style néo-gothique et mudejar, domine la ville ;fondée en 1880, elle est l'œuvre de Domenech Montaner. Séminaire de formation des prêtres jusqu'en 1968 (10.000 étudiants !), elle abrite actuellement le Centre International d'études supérieures d'espagnol.

Autre ensemble imposant : Le Palais de Sobrellano du Marquis de Comillas, de style néogothique. Il fût construit, entre 1881 et 1888, pour le premier Marquis de Comillas, Antonio Lopez, qui y recevait ses amis le Roi Alphonse XII en été. Conçu par l'architecte catalan Juan Martorell en 1878, une partie de son mobilier est signé de Gaudi. L'Université pontificale depuis le belvédère du PalaisC'est le symbole le plus fort de la Cantabrie seigneuriale avec ses magnifiques salles aux plafonds à caissons, desservies à l'étage par deux  somptueux escaliers en pierre éclairés par un lustre de taille exceptionnelle ; une chapelle/Parthénon, mi-gothique mi-classique anglais, sert de panthéon de la famille du Marquis. Une large esplanade offre un belvédère de choix face à la colline de l'Université.

Le surprenant El Capricio, édifice dû à Gaudi, est implanté au bas de l'esplanade du Palais Sobrellano.. De style art nouveau, il exprime la fusion de la musique et de l'architecture, avec un singulier mélange d'éléments arabes (azulejos, briques apparentes, etc...), néogothiques et de formes arborescentes. El Capricio de GaudiUne tour cylindrique est ornée -tout comme les murs- de tournesols en céramique et de vitraux avec scènes d'animaux musiciens. Les balcons en fer forgé sont formés de bancs de jardins à l'envers ! Cet édifice historico-artistique est aujourd'hui un restaurant.

En quittant Comillas, face à l'Océan, on remarque les murs massifs avec pinacles et le portail en fer forgé du cimetière édifié par Luis Domenech y Montaner en 1893 sur les vestiges d'une église du 15ème S. Le retour vers Suancès se fait, une nouvelle fois, entre plages de sable fin, frange de dunes et de falaises, marais et rias du Parc naturel d'Oyambre, grande réserve ornithologique.

Danses et chants du terroir enrichissent fort agréablement notre dernière soirée en Cantabrie.

Voici venu le jour du retour vers Toulouse avec la visite de Bilbao. Cet ancien port industriel, dont le site est déjà investi au début de notre ère, a été fondé en 1300 par Diego Lopez V de Haro. Capitale de la Biscaye, il fût longtemps perçu comme une ville industrielle, riche mais sans charme, dotée en 1886 de l'Université Deusto. Bilbao : Le quartier du MuséeAujourd'hui, on découvre du belvédère d'Artxandra une métropole de plus d'un million d'habitants dont 380.000 constituent le cœur de la ville, au fond de l'estuaire du rio Nervión.

Bilbao tira longtemps sa richesse des minerais de fer exportés vers l'Angleterre et de l'importation de houille en retour. Mais la crise de 1980 frappa la cité de plein fouet, l'entraînant dans un vaste programme de rénovation urbaine dont on voit aujourd'hui le bilan spectaculaire avec une pépite, le Musée Guggenheim.

Les artisans de ce succès ont pour noms : Franck Gehry, César Pelli, Arata Isozaki, Santiago Calatrava, Daniel Buren ou Norman Foster, père du métro mis en service en 1995. Outre la rénovation des quartiers historiques, Bilbao est une vitrine de l'architecture contemporaine et l'un des grands modèles de rénovation urbaine, telle la Gran Via au cœur de cette zone. Bilbao, c'est aussi un art de vivre autour des places et des bars à pintxos ; elle suscite les créations culinaires les plus avant-gardistes. Grande ville touristique, elle privilégie aussi les activités à haute valeur ajoutée.

 Près de la Colline de Begonia, se blottit le vieux quartier Casco Viejo sur la rive droite du Nervion. Il enserre la Cathédrale Saint Jacques (15ème S.) de ses rues étroites -telles las Siete Calles- égayées par les miradors colorés des façades. La Plaza Nueva est très animée avec ses commerces. Sur la rive gauche, la Gare de la Concorde affiche son style rétro. Passé le Pontdel Arenal, voici le Centre Moderne d'El Ensanche, puis le Palais des Congrès et de la Musique. Là, plusieurs multinationales ont leurs sièges, dominés par la Tour Iberdrola. Le fleuron majeur de Bilbao est indiscutablement le Musée Guggenheim de Franck O. Gehry. Edifié entre 1993 et 1997, dans un espace urbanisé totalement rénové, sa stature colossale et complexe crée un choc visuel avec ses 33.000 énormes écailles de titane, son calcaire jaune, ses grandes surfaces vitrées et son mécano d'acier et de béton! Ce voilier en titane est un concentré de structures courbes et gauches aux profils les plus audacieux symbolisant la complexité du Monde vivant. Identifié à un navire ancré au bord du Nervion, son design traduit le port qui fût et la ville qui est. Il est considéré comme le meilleur bâtiment de la deuxième moitié du 20ème S. Sur le parvis du Musée se dresse le fameux Puppy, chien géant multicolore aux 40.000 fleurs, haut de 13 mètres, réalisé en 1992 par Jeff Koons ! Autour du Musée, se dressent quelques œuvres singulières : l'Araignée de Louise Bourgeois (1999), haute de 10 mètres, vouée à sa mère (dénommée Maman) ; les Tulipes en acier colorisé de J. Koons ; l'Arc Rouge de Daniel Buren, haut de 57 mètres, soutien du Puente Principe de Espana; le Mur de Brouillard de Fujiko Nakaya, créé sur le Nervión.

A l'intérieur, 18 salles sur 3 étages, sont desservies par un atrium, haut de 50 mètres, coiffé d'une grande verrière. Notre visite s'est limitée à quelques salles, aux thématiques déconcertantes pour un esprit cartésien... Ainsi, avec Yoko Ono, artiste pionnière de l'art conceptuel, la priorité est accordée aux idées poétiques, absurdes et utopiques et non au matériel! On reste perplexe... Une immense salle regroupe 8 sculptures géantes La Matière du Temps en acier patinable de Richard Serra, formées de sections de tores et de sphères qui engendrent une étrange perte du sens de l'orientation. Notre visite s'achève sur Installation pour Bilbao, création de Jerry Holzer en diodes luminescentes.

L'heure du départ sur Toulouse a sonné. En dépit d'une météo capricieuse, avare en séquences ensoleillées, ce voyage nous révéla un très riche patrimoine naturel, urbain et culturel, le tout agrémenté d'un hébergement de qualité et des traditionnels moments de convivialité autour d'une gastronomie savoureuse.

La Cantabrie méritait bien une visite !

Le groupe des Amopaliens sur les marches du palais Sobrellano


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