La conférence des « mercredis de l’AMOPA » du 2 décembre 2009,

par

Progreso  MARIN, écrivain, poète

 

L’EXIL REPUBLICAIN ESPAGNOL ET LES ENJEUX MEMORIELS ACTUELS

Dans les années qui suivirent l’exode de 1939, plus de 15.000 Espagnols s’installèrent à Toulouse.

En cette année de commémoration du 70ème anniversaire de cet exil (la Retirada), diverses manifestations ont tout naturellement célébré cet évènement douloureux de l’histoire de l’Espagne. Il nous est apparu opportun d’évoquer cette page d’histoire dans le cadre des mercredis de l’AMOPA 31 dans l’habituel Amphithéâtre du Sénéchal..

Il ne s’agissait pas de retracer une nouvelle fois l’enchaînement chronologique des évènements qui conduisirent à cette déchirure profonde. Nous recherchions plutôt, à travers les témoignages de ceux qui vécurent ce drame, une restitution de leurs états d’âme, de leurs aspirations ou déceptions et l’expression des enjeux mémoriels actuels en Espagne ; en bref, la ré-appropriation de la mémoire historique face aux flux réactionnaires persistants.

Progreso MARIN était l’un de ceux qui, par ses origines, son engagement et la notoriété de ses écrits, était à même de répondre à cette attente.

Professeur de français, écrivain et poète, il est né à Toulouse de parents exilés républicains espagnols, venus de la région de Ripoll.

Son œuvre littéraire, marquée au fer de la sincérité, de l’humanité et de l’engagement, est conséquente.

C’est d’abord le fils qui, en 2002, nous livre un ouvrage émouvant sur sa mère « Dolores, Une vie pour la liberté », femme dont l’existence fût totalement consacrée au militantisme, véritable hommage à tous les combattants anonymes.

En 2005, l’ouvrage « Exil » ; témoignages sur la Guerre d’Espagne, les camps et la résistance au franquisme en est le prolongement ; il y donne la parole aux oubliés de l’histoire.

Poète, il nous livre, fin 2005, un recueil « Ecluse suivi de Buées » et, très récemment, en mars 2009, « Herbier des jours ».

Avec Violette MARCOS, il a écrit en mai 2006, « 1936, luttes sociales dans le Midi » qui retrace cet immense mouvement social dans notre région.

En mai 2008, son nouvel ouvrage Exilés espagnols, la mémoire à vif est le fruit de 5 années de travail. Il s’agit d’un vaste panorama de l’odyssée pour la liberté des Républicains espagnols. On entend parler des personnages de 70, 80 ou 90 ans (Ramon, Jesus, Conchita, Mercedes,…) qui se livrent totalement, pudiques mais spontanés, courageux, parfois humiliés mais toujours animés d’espoir et d’altruisme, poursuivant leur combat dans la Résistance. L’écrivain moissonne des confidences, poursuit sa quête de souvenirs gardés secrets, seulement livrés dans l’urgence de l’âge.

                                                                                                          (Commentaires de Francis Dabosi)

Progreso MarinOn a pu dire de Progreso MARIN ; « On ne le lit pas, on l’écoute » ; c’est ce que nous vous proposons à présent en lui confiant le soin de résumer les principaux aspects de son émouvante intervention. Elle fût d’ailleurs suivie d’un large débat et de nombreux témoignages d’un public important et attentif.

 

 La Retirada

En moins de 15 jours, de fin janvier à début février 1939, près de 500.00 espagnols du camp républicain traversent la frontière espagnole, fuyant  la terrible répression des troupes franquistes.

A leur arrivée sur le sol français, leur désillusion sera grande. Eux qui aimaient tant la patrie des Droits de l’Homme seront parqués dans les camps du « mépris ». Dans une improvisation totale, ils atterriront sur la plage nue d’Argelés (P.O). Les femmes et les enfants seront répartis dans une soixantaine de départements. Il faut noter que des municipalités, de gauche surtout, des organisations comme le secours populaire, les quakers et des individus les accueilleront avec bienveillance. Ces camps vont se multiplier : St Cyprien, Le Barcarés, Agde, Rivesaltes, le Vernet, Sepfonds, Gurs…Là encore, une merveilleuse lueur d’espoir, la maternité d’Elne, où une infirmière autrichienne Elizabeth Eidenbenz accueillera les réfugiées enceintes des camps du Roussillon, puis les mères juives.

Dès la déclaration de la guerre en septembre 39 seront formées des Compagnies de travailleurs étrangers. Les espagnols pris sur la ligne Maginot, considérés comme apatrides, seront déportés au camp de Mauthausem. Depuis Angoulême en août 1940, des réfugiés espagnols seront envoyés à ce même camp et les femmes et enfants à Franco, c’est le convoi des 927. Rapidement, les espagnols vont rentrer dans la Résistance quand ils ne l’ont pas initiée comme dans les barrages de l’Aigle en Corrèze. A noter, la libération de Paris par les hommes de la Nueve, compagnie composée à 80% d’espagnols dans les colonnes du général Leclerc. La plupart des villes du sud de la France seront libérées avec la présence de guerrilleros. Leur déception sera grande à la fin de la guerre quand Franco restera en place, nullement inquiété par les Alliés.

En Espagne, dès la fin de la guerre dite civile, la répression sera systématique et féroce. On fusille à tour de bras. L’Espagne n’est plus qu’un vaste charnier qu’on redécouvre difficilement aujourd’hui. Ce qu’on peut reprocher le plus au franquisme, c’est son attitude après la guerre, il y a crimes contre l’Humanité. Les femmes qui ont voulu s’émanciper seront particulièrement maltraitées. De plus, près de 30.000 enfants, leur seront volés et donnés à des dignitaires du régime.

La bataille de la Mémoire fait rage en Espagne. Malgré la ley de Memoriai du gouvernement de Zapatero votée en 2007, la vérité historique a du mal à voir le jour en Espagne. Le dessaisissement du juge Garzon (2009) qui voulait enquêter sur les crimes du franquisme en est un exemple criard.

Progreso MARIN (Ecrivain, poète).