Marcel Carrier, instituteur

honoraire et poète centenaire

(102 ans depuis le 20 mars 2011)

 Par Maryse Carrier

le 5 février 2011

Marcel Carrier est né à Brens dans le Tarn le 20 mars 1909 et le Conseil municipal de cette ville a décidé d’attribuer à son école primaire le nom de « Groupe scolaire Marcel Carrier ». Après de remarquables études à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Toulouse, il débute à Florentin (Tarn) une brillante carrière qui s’achèvera à Gaillac (toujours dans le Tarn) en 1963. Deux distinctions honoreront son activité professionnelle : il sera nommé Officier dans l’Ordre des Palmes Académiques et obtiendra la Médaille d’Argent des Instituteurs.

 Mais son parcours en tant qu’enseignant connaîtra une douloureuse interruption entre 1940 et 1945. Lui qui avait rédigé dès 1938 une nouvelle tristement prémonitoire, sera prisonnier de guerre dans deux stalags, en Prusse Orientale et près de Hanovre.

Fort heureusement Marcel Carrier a toujours su trouver refuge dans la poésie :

Dans un premier cycle que l’on peut intituler « Poèmes de jeunesse », sa poésie traduisait avec beaucoup de finesse et d’humour une autre époque, celle du début du 20ème siècle. Déjà l’on était sensible à son talent (reconnu par la poétesse Louisa Paulin), à son don d’observation, de clarté, de précision et surtout à cette recherche de la luminosité, qui rappelle les tableaux impressionnistes.

Durant sa captivité en Allemagne sa production devint étonnamment abondante (pas moins de huit ouvrages !), car « il fallait bien tromper l’ennui », dit-il.

Or contrairement à ce que l’on pourrait penser, très peu de « Poèmes de captivité » évoquent la dure réalité des camps. C’est au contraire avec beaucoup d’humour que dans un style tout rabelaisien il se fait souvent le chantre de pantagruéliques ripailles, pour oublier l’enfer du camp.

Certes des souvenirs douloureux vont parfois émerger, inévitablement. Mais le poète parvient à trouver du réconfort dans le rêve, dans l’espoir du retour, dans une forme de sagesse qui apaisera ses tourments, et surtout dans la Poésie, forme suprême de cette Sagesse traduite dans deux pièces de théâtre, véritables poèmes lyriques :

 « Remède consolant, refuge et délivrance,

Poésie, ô trésor, miracle de l’esprit,

Toi seule sais panser les augustes souffrances

Et faire un demi-dieu d’un galérien maudit »

 Si d’autre part le prisonnier a eu le courage durant ces cinq années de captivité de rédiger en prose cette fois une étude sur La Fontaine et une comédie burlesque, il a également composé un magnifique drame, reflet d’un profond pessimisme mais aussi d’une remarquable érudition.

Par chance le cataclysme nazi qui aurait pu l’anéantir, n’a aucunement altéré sa verve poétique, comme en témoignent ses « Poèmes de la maturité », dont les images, les couleurs, les rimes, la musicalité rivalisent de virtuosité. Les poèmes à présent, au retour d’une si longue captivité, expriment toute la joie de vivre de l’ancien prisonnier. Ce dernier rêve maintenant d’une vie simple, en parfaite harmonie avec la nature qu’il ne cesse de célébrer dans une vision lyrique et panthéiste de l’univers, loin de l’agitation et des « tumultes fous », « goûtant les vrais bonheurs d’une lèvre gourmande… ».

N’acceptant pas le désordre contemporain, le poète va de plus en plus pratiquer l’art pour l’art pour nous dépeindre cet univers aux couleurs flamboyantes, source inépuisable de rêve, d’enchantement, et fréquemment peuplé de personnages relevant de la mythologie antique :

 « Les doigts ont effeuillé la frange de l’écume,

Puis, cherchant un visage encor ombré de brume,

Vers l’onde se penchant ainsi qu’en un miroir

La Belle reconnaît la divine Aphrodite

Qui mêle sur sa conque en fine chrysolite

Sa splendide blondeur à la pourpre du soir »

De merveilleux contes et de splendides petits textes en prose viendront compléter cette production si riche et si variée.

En conclusion nous pouvons dire que Marcel Carrier, malgré ses 102 ans, a su en dépit de toutes les épreuves de l’existence rester le Poète, à la fois « peintre et musicien », parfaitement apte à conserver une fraîcheur d’âme exemplaire, capable de toujours rêver, de toujours s’émerveiller, sans jamais perdre une once d’humour. Ses messages, purs, universels et intemporels resteront à jamais ceux d’un sage, d’un humaniste, que notre jeunesse devrait entendre et méditer :

 « Orfèvre ou musicien, savant, peintre ou trouvère,

Heureux celui qui peut dans sa course éphémère

Créer un beau vitrail empli de clair soleil »

 Et l’on se doit de terminer en rappelant que Marcel Carrier a été 3 fois lauréat de l’Académie des Jeux Floraux de Toulouse, 9 fois lauréat des Jeux Floraux du Languedoc (Montpellier) et que d’autre part à son palmarès ne figurent pas moins de 35 prix de Concours littéraires.

L’intégralité de son oeuvre est éditée aux Editions le Solitaire de Tarbes.