GERMAINE CHAUMEL,

photographe et femme de tous les talents

Par Elfie DESSORT,  

photographe (prix de l'académie du Languedoc et de nombreux prix internationaux), 
ancienne professeure de sciences, ancienne journaliste.

 

Germaine Chaumel en 1938, archives municipales de ToulouseDans notre mémoire Germaine Chaumel reste une des grandes photographes françaises du XXème siècle. En grande artiste, la grâce la touchera pour bien d'autres arts encore. Elle développe son talent d'artiste lyrique, si bien qu'elle sera chanteuse d'opérette au Capitole, sous le nom d'Any Morgan. Elle sera la Manon des « Saltimbanques », ou la Marguerite de Faust. D'autres encore. 

Puis vient le jour où elle découvre un nouvel art : la photographie...

 

 

La découverte de la photographie dans les années 1930

Elle comprend vite que ce médium sera le sien. Qu'elle pourra s'y exprimer, explorer tout ce que sa sensibilité lui donne à voir. Tout ce que la vie lui offre d'images. 

Autodidacte, elle se forme en étudiant les maîtres, Brassaï,  Man Ray. 

Aussi, elle fréquente le Photo club Toulousain, si sélect et si sérieux, qui offre toutes formations. 

A titre d'exemple, on peut lire dans un numéro du Journal du Photo club Toulousains : «Causerie de M Maury sur l'emploi des diaphragmes appliqué à la perspective aérienne». Obscur pour la plupart, mais si utile au photographe. A chaque séance, un nouvel apprentissage. Les lieux offraient aussi un laboratoire où s'exercer au tirage des pellicules argentiques. Une formation complète qui permettra à Germaine Chaumel de devenir la photographe que l'on sait.      

Elle sera aussi à l'origine du tout aussi sélect et  fermé  'Cercle des douze' (1). En sera la secrétaire. Y fera entrer le jeune Jean Dieuzaide... On y amenait ses photographies, elles étaient analysées, critiquées. Rien de tel pour avancer dans sa démarche.

On était 12 ? On voulait rester 12. L'un d'entre-eux mourrait ? Un autre se présentait, on votait avec des haricots blancs et noirs : chacun mettait le sien. Un seul haricot noir, la personne était refusée... 

(1) En réalité ce chiffre de 12 correspondait aux 12 boules des extrémités de la Croix du Languedoc.

Sa vie de photographe humaniste

Son premier appareil photo, un Rolleiflex

Elle abordera cet art avec de grandes exigences dans les années 30. Avec, donc, une formation poussée.  

Son mari lui ramène d'Allemagne un ROLLEIFLEX, appareil photographique argentique de très haut niveau. Rapidement elle en fera l'apprentissage et se lancera.

Son grand talent est sûrement de trouver les lumières qui font, en une fraction de seconde, d'une scène banale, comme un tableau de maître. L'émotion y est palpable. 

Elle traitera bien des thèmes : elle aime le portrait. Tant que son domicile de la rue Croix Baragnon se transformera en studio. La bourgeoisie toulousaine s'y presse. Elle laisse aussi des portraits de ses enfants, toujours merveilleusement éclairés. 

Elle aime les gens. Jeunes ou vieux. De toutes conditions. Elle aime la rue, la vie qu'elle y capte.  Elle est toujours respectueuse, empathique. Toujours indulgente, sauf... avec les militaires ! Mais elle garde ses opinions pour elle... Par ce regard sur les gens, elle est une photographe humaniste. 

Il y aura aussi des périodes difficiles : à l'arrivée des réfugiés Espagnols en 1938, les images qu’elle en fait raconte leurs difficultés, leur vie est si dure. De rares témoignages de cette période.  

Puis la guerre se déclare en septembre1939. Des années noires où séviront, froid, misère. Des privations s’installent, la nourriture sera rationnée. Elle parcourt les rues, pour, encore, témoigner.

N'hésite pas à prendre des risques. Le19 août 1944 marque les dernières heures pour les Allemands.  

Ce sera une journée de terre brûlée, les wagons de munitions basés à Blagnac sautent. Impossible de ne pas couvrir cet événement. Le danger est certainement grand. Elle partira malgré les exhortations affolées de Paqui, sa fille : « Maman, tu ne vas pas sortir » !

La première femme reporter

Elle sillonne les rues de Toulouse de jour comme de nuit. Ne craint pas le couvre-feu quand il s'instaure. Audacieux pour une femme, mais rien ne lui fait peur. 

Il fallait cela pour devenir la 1ère femme reporter, couvrant tous les événements, humains, sportifs ou culturels. 

Sa carte de presseElle travaillera pour de nombreux titres. La presse régionale, bien sûr sera la première à reconnaître son talent. La Dépêche, La Garonne, La Petite Gironde, ou le Bulletin Municipal de la Ville de Toulouse.  Mais aussi pour le « New York Times ». 

Paqui Chaumel, sa fille, raconte « Pour certains événements, comme un résultat sportif pour Paris-soir, cela n'attend pas. On venait la chercher en voiture pour l'amener au stade pour un match de rugby ou de foot. Elle prenait ses photos, et la voiture qui l'attendait, laissant tourner le moteur, la ramenait. J'avais tout préparé. On tirait à toute allure, la pellicule encore mouillée. La photo était prête, avec une bande blanche pour le titre. La voiture ramenait le tirage au journal.  Il arrivait à temps pour l'édition du soir...A la fin du match il était vendu avec ce qui venait de se passer ! Elle travaillait énormément. Regrettait de devoir manger et dormir...  »

En 1939 les bombardements deviennent intenses. Avec sa famille elle se réfugiera pendant quelques mois à Verfeil (en haute Garonne). Elle fera des photos d'identité pour les habitants. Et les troquera contre de la nourriture. Des légumes. Des volailles, qu'elle refuse vivantes, incapable de les tuer.      

La nouvelle vision

Si elle sait parfaitement cadrer ses photos dans la tradition classique, elle s’essaiera à un nouveau regard, cadrant avec d'inhabituelles obliques, plongées et contre-plongées. Ira jusqu’à des photographies carrément d'avant-garde.

Dans l’intimité de son laboratoire

Quel que soit l’événement qu'elle couvre elle rentre rapidement, gagne son laboratoire. Là, juste éclairée par une ampoule rouge, elle développe sa pellicule, et tire ses photographies. On peut gager qu'elle ressentira à chaque fois la même émotion : voir se former l'image dans ce liquide si justement appelé « révélateur »... Toute une technique qu'elle maîtrise au plus juste, depuis le 'clic' de son appareil, jusqu'à la révélation de l'image dans son laboratoire.  Pour produire les photographies argentiques en noir et blanc qui feront d'elle une des grandes photographes du XXème siècle. 

Une rupture

Que s'est-il passé ? Personne ne le sait vraiment. Fatigue d'une vie trop intense ? Lassitude ? Toujours est-il que  vers 1950 elle pose définitivement son appareil photographique. Elle part s'installer à Paris. Et se lance dans le dessin de mode. Sera aussi modiste, créant des chapeaux. 

Mais une œuvre préservée et mise en lumière

Paqui (Pâquerette Chaumel-Martinez), fille de Germaine Chaumel a commencé un gros travail de tri et de rangement des négatifs de la photographe. Ils auraient sinon probablement été dégradés, perdus à jamais. 

Pilar Martinez-Chaumel, sa petite fille, a repris le flambeau, parachevant ce classement, mais encore en organisant des expositions, faisant sortir de l'ombre l’œuvre de sa grand-mère. Une œuvre que tout amateur de photographie peut ainsi découvrir et admirer. 

On peut imaginer que cette œuvre montrée, avec d'autres certes, tel celle de Jean Dieuzaide, œuvre en argentique en noir et blanc a pu influencer des contemporains de l'apparition du numérique qui semblait devenu tout puissant. Et cela se vérifie...  La vente des pellicules en noir et blanc fait une remontée spectaculaire. Des gens de tous âges s'y mettent ou s'y remettent. Tout comme des professionnels.  Karl Lagerfeld même... 

Une œuvre préservée et montrée pour le plus grand bonheur des amateurs de photographies et même de tous arts.

BIOGRAPHIE

Née en 1895 au 89 de la rue Riquet, à deux pas du canal du Midi. 
Fait de brillantes études au lycée saint Sernin. 
Son oncle, Antonin Provost aura été un des grands photographes toulousains. 
Un premier mariage en 1919, et naissance d'un fils, Pierre Grand.
Elle divorce un an plus tard. 
Se remarie avec Charles Chaumel. Naissance de Pâquerette. 
Pâquerette, dite Paqui, sera sculptrice. 
Paqui aura 4 enfants : Pilar Chaumel-Martinez et son jumeau et 2 garçons
Germaine Chaumel décède le 12 avril 1982.
 

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