La Belle Epoque à partir de l’œuvre

de Toulouse-Lautrec

 Conférence du 18 novembre 2009

par Maryse CARRIER

Nous connaissons tous les personnages qu’Henri de Toulouse-Lautrec a immortalisés dans ses dessins, tableaux, lithographies, affiches… Or c’est sous l’angle de la Belle Epoque que nous allons présenter l’œuvre de ce peintre, les deux, le peintre et l’époque étant bien entendu intrinsèquement liés. D’ailleurs l’art n’est-il pas la manifestation la plus sensible et peut-être la plus fascinante de l’histoire ?  

I : Qu’entendons-nous par « La Belle Epoque » ?

On situe la Belle Epoque dans les années 1890-1914, durant la IIIème République, qui avait débuté en 1871 après la fin du IIème Empire de Napoléon III.

Cette IIIème République va traverser tout d’abord l’épisode douloureux de la Commune, vaincue par Thiers (qui deviendra peu après Président et auquel succèdera une longue liste de Présidents) et elle vivra également l’affaire Dreyfus ainsi que divers scandales politico-financiers (scandale de Panama…)

Néanmoins la révolution industrielle du 19ème siècle a entraîné un essor technique et économique considérable dans tous les grands pays industrialisés et une prospérité matérielle certaine se manifeste un peu partout en France. On construit beaucoup : routes, gares, grands bâtiments, grands magasins, la Tour Eiffel, la 1ère ligne du métro parisien etc.. Partout le niveau de vie s’améliore : une législation sociale est amorcée, la richesse publique s’accroît, la France est la seconde puissance coloniale et le second banquier du monde, on peut dire que la liberté règne et voilà pourquoi les Français dans ces conditions  aiment tant faire la fête.

Leur joie de vivre est caractéristique de ce que l’on a à juste titre appelé ultérieurement  « années d’euphorie » ou « Belle Epoque », comme nous pourrons le constater à travers l’œuvre de Toulouse-Lautrec. 

L’Europe vit sans le savoir sur une poudrière, mais la population a tendance à s’endormir  dans un sentiment  trompeur de sécurité.

Dans le domaine artistique c’est la période de l’Art Nouveau, sous l’influence en particulier du peintre tchèque Alphonse Mucha, et surtout les représentants de l’Impressionnisme (Monet, Manet, Renoir, Van Gogh dans sa première période) connaissent un réel succès grâce à leur peinture qui  reflète très bien justement la joie de vivre de la classe bourgeoise de l’époque.

II Biographie de Toulouse-Lautrec

Le 24 novembre 1864 : naissance à Albi d’Henri de Toulouse-Lautrec-Monfa, descendant des comtes de Toulouse, fils du comte Alphonse de Toulouse-Lautrec-Monfa et de sa cousine germaine Adèle Tapié de Céleyran.

Mai 1878 : fracture du fémur gauche

Août 1879 : fracture du fémur droit, car victime d’une maladie osseuse héréditaire (pycnodysostose). Cela  le privera pour toujours de la pratique du sport, de la chasse, de l’équitation, activités très appréciées par les autres membres de sa famille, par son père notamment, avec lequel  il entretiendra toute sa vie une relation espacée, reposant sur une grande incompréhension mutuelle.

1881 : Henri fréquente à Paris l’atelier du peintre animalier René Princeteau, qui le premier décèlera les dons du jeune peintre.

1882 : entre dans l’atelier de Léon Bonnat. Mésentente entre les deux hommes.

1883 : devient le disciple du peintre d’histoire Fernand Cormon. Henri commence à exposer.

1885 : découverte de la Butte Montmartre, qui va transformer sa vie.

 Suzanne Valadon

1886 : rencontre avec le modèle et peintre Suzanne  Valadon.

1890 : se lance dans la lithographie (il en réalisera 350, dont une trentaine d’affiches).

1891 : première affiche « Le Moulin Rouge ».

1891-1895 : fréquente les maisons closes.

1892 : premier séjour à Londres.

1899 : est interné dans une maison de santé de Neuilly, pour y subir une cure de désintoxication.

Toulouse-Lautrec dans son jardin à Malromé

9 septembre 1901 : mort de Toulouse-Lautrec au château de Malromé (Gironde), à l’âge de 37 ans. Le peintre qui resta toute sa vie très proche de sa mère repose aujourd’hui avec elle dans le petit cimetière de Verdelais (lieu de pèlerinage à la Vierge), tout près de Malromé.

III : Etude des œuvres de Toulouse-Lautrec dans le cadre de la  Belle Epoque.

 1 : Lieux de divertissement parisiens les plus emblématiques de la Belle Epoque :

La plupart étaient situés sur la Butte Montmartre, célèbre pour les récents évènements de la Commune, pour ses vignes, pour ses poulbots et bien sûr pour ses nombreux bals publics, cafés-concerts, cabarets aux noms prestigieux, immortalisés par Toulouse-Lautrec.

Fasciné par la vie nocturne de Montmartre, où il s’était installé dès 1884, Toulouse-Lautrec  va rapidement  rencontrer dans ce bastion du plaisir des personnes qu’il considérait comme plus authentiques, moins inhibées que celles qui appartenaient à son monde aristocratique d’origine.

Très tôt il fait la connaissance d’un personnage haut en couleur, ancien employé de chemin de fer devenu chansonnier, Aristide Bruant, le précurseur de la « chanson réaliste », dont la voix de stentor, la verdeur du langage, les chansons truculentes, tantôt sentimentales, tantôt anarchisantes, attirent toutes les classes sociales. Voici trois affiches le représentant dans différents cabarets où il se produisait :

« Bruant au Mirliton » (1894) : le chansonnier installé dans ce cabaret dès 1885 est représenté  vêtu du costume en velours noir de son propre cru, et de dos en guise de clin d’œil à sa notoriété. Nous découvrons ici le style caractéristique de Toulouse-Lautrec : technique réduite à sa plus simple expression avec affiche en deux couleurs et silhouette très dépouillée avec un grand aplat de couleur noire.

Bruant aux Ambassadeurs« A. Bruant aux Ambassadeurs » (1892) : c’est le café-concert des Champs Elysées, très cher, très snob. A l’aide de peu de couleurs, Toulouse-Lautrec campe la stature imposante de son ami, drapé dans sa cape sombre, avec sa célèbre écharpe vermillon, coiffé d’un chapeau noir aux larges bords,  et tenant à la main sa canne avec laquelle, debout sur une table, il aimait marteler ses messages ou « engueuler » son public !

 « Eldorado » (1892) au graphisme inversé par rapport à l’affiche précédente. C’est la première fois qu’apparaît son célèbre monogramme, HTL, inspiré de la forme des «Tsuba », terme japonais désignant la garde des sabres des samouraïs . Car à la fin du 19ième siècle la France découvre l’art oriental et les grands maîtres de l’estampe japonaise (tels Utamaro et Hokusai). Comme Degas, qu’il a toujours admiré, comme Van Gogh et les Impressionnistes, Toulouse-Lautrec, très sensible au Japonisme ambiant de cette fin de siècle, imitera les techniques orientales , à savoir entre autres : de grands aplats de couleur pure souvent sur fond jaune, avec un personnage principal au premier plan et souvent tronqué.

« Au Bal du Moulin de la Galette » (1889), un authentique moulin situé au sommet de la Butte.

C'est l’une des premières grandes compositions qui témoigne de la fascination que la danse exerçait sur le peintre. Nous apercevons de profil le peintre Joseph Albert et de dos la célèbre  danseuse la Goulue, reconnaissable à son chignon roux, le peintre ayant toute sa vie été très attiré par les chevelures rousses ! Elle devait son surnom (la mode des petits noms imagés étant  typique de la fin du 19ième siècle) à l’habitude qu’on lui prêtait de vider les verres de ses clients !

D’autre part notre regard est attiré par deux  diagonales : celle de la barrière et celle du parquet.  Or ces lignes de fuite, fréquentes dans le graphisme de Toulouse-Lautrec  et qui provoquent de la profondeur, de même que l’impression de mouvement procurée par la foule en train de danser  en arrière plan et enfin le cerne (ou contour accusé) autour des personnages féminins, tout cela  relève également de l’art japonais.

Bal du Moulin Rouge. La Goulue

 « Bal du Moulin Rouge. La Goulue » (1891) : l’affiche la plus célèbre de Toulouse-Lautrec , dessinée au pinceau lithographique. L’ ouverture du Moulin Rouge (5 octobre 1889), moulin factice, restera l’un des grands évènements parisiens de la Belle Epoque et ce lieu d’amusement privilégié de Montmartre va devenir l’un des lieux de prédilection du peintre, qui rencontrera là certains membres éminents de l’aristocratie européenne !...

Au premier plan nous apercevons Valentin le Désossé (de son vrai nom Jacques Renaudin), danseur génial mais curieux personnage. Sa silhouette sans modelé presque transparente (technique du crachis), tronquée et entourée d’un cerne, touchant à la caricature, n’est pas sans rappeler  les techniques orientales.

Mais la grande vedette du Moulin Rouge est bien entendu La Goulue, de son vrai nom Louise Weber, qui fascinait littéralement Toulouse-Lautrec, lequel la suivra jusqu’à la fin (misérable) de sa carrière. L’artiste représentée ici au centre de l’affiche, dont elle est le seul personnage vraiment « figurée », est vêtue de  sa traditionnelle tenue de scène et  coiffée d'un chignon serré au-dessus de la tête à l’image de la célèbre et très belle prostituée Casque d’Or.  Elle exécute une figure du fameux « quadrille naturaliste », créé par Valentin le Désossé . Cette danse était un dérivé du French-Cancan en plein essor dans la capitale, à la Belle Epoque, grâce à la musique d’Offenbach.

Enfin cette affiche, remarquable par une grande économie de couleurs, ce qui la rend encore plus percutante, peut être considérée comme la première affiche moderne. En effet Toulouse-Lautrec a découvert d’emblée le secret de la publicité, à savoir : schématiser,  créer une image forte, lisible à distance. C’est pourquoi le peintre mérite le titre de « père de la publicité moderne ».

Grâce à ses affiches Toulouse-Lautrec apportera la notoriété à bien d’autres artistes, comme Jane Avril, Yvette Guilbert… qui se produisaient dans des établissements prestigieux :

Divan Japonais

 « Divan Japonais » (1892), petit café-concert de Montmartre décoré uniquement d’objets évoquant le pays du Soleil Levant. C’est ici qu’Yvette Guilbert, dont on ne voit pas le visage, mais que l’on reconnaît à ses célèbres gants noirs, connut ses premiers grands succès.

Mais sur cette affiche domine la figure magistrale de Jane Avril (de son vrai nom Jeanne-Louise Beaudon), danseuse, artiste, et personnage emblématique de la Belle Epoque. Le peintre adorait cette femme svelte, distinguée et très cultivée, qui  restera toute sa vie une amie fidèle et reconnaissante d’avoir joué un rôle primordial pour sa notoriété. Nous la voyons ici au premier plan coiffée de son célèbre chapeau à plumes d’aigrette très à la mode à la Belle Epoque et accompagnée de l’écrivain, critique de musique et d’art, Edouard Dujardin.

L’unité de cette affiche qui repose sur la couleur jaune présente à maints endroits, ainsi que la pose et les contours sensuels de Jane Avril,  rappellent les estampes japonaises, cette affiche constituant une véritable  synthèse  de toutes les  techniques orientales évoquées précédemment. Soulignons toutefois l’impression de mouvement donnée par les bras et surtout par le manche, la crosse et les chevilles des deux instruments à cordes (contrebasses), qui semblent littéralement danser ! Enfin petit détail humoristique : les poils sur la main du chef d’orchestre, caractéristiques du penchant du peintre pour les canulars ! 

« Jane Avril » (1893), au Jardin de Paris, un autre café-concert chic des Champs Elysées. Cette danseuse éthérée douée d’une grande énergie était surnommée « la Mélinite » (substance proche de la dynamite) et Maurice Joyant, l'ami de toujours de Toulouse-Lautrec, disait d’elle : « Elle danse le quadrille comme une orchidée en délire ! »

Le manche de la contrebasse, dans lequel est enchâssée la silhouette de la danseuse, et qui se prolonge comme un cadre bordant la scène de façon asymétrique, est un élément emprunté à l’Art Nouveau. Remarquons également  la grande oreille du musicien et sa chevelure qui ressemble à une palette de peintre . Tout dans ce tableau tend à bien insister sur une symbiose des arts et des plaisirs : la musique, la danse, l’art pictural, sans oublier l’ivresse suggérée par les deux verres, dont Toulouse-Lautrec  était un peu trop coutumier !

Yvette Guilbert saluant le public« Yvette Guilbert », fusain et « Yvette Guilbert saluant le public » au Divan Japonais (1894), gouache sur carton.

Cette artiste, surnommée « la diseuse fin de siècle », était un personnage extravagant, qui reprenait en partie le répertoire d’Aristide Bruant avec des chansons réalistes , souvent grivoises.

Toulouse-Lautrec  l’a en permanence représentée de façon stylisée, souvent sous forme de caricature (pas toujours du goût de la chanteuse !), avec sa longue robe vert olive, ses célèbres gants noirs, son teint pâle, son nez pointu, ses yeux malicieux, sa moue moqueuse. Car le peintre a toujours essayé de dévoiler le caractère, la personnalité de ses personnages à l’aide d’une grande finesse d’observation et de détails révélateurs. Tout est dit ici à travers une simplification et une schématisation absolues !

2 : La Belle Epoque correspond également à l’apogée des maisons closes :

Parfaitement légalisées, les maisons closes existaient en vertu d’une tolérance du Préfet de police. Le thème des prostituées était alors de tradition chez les Impressionnistes, chez Degas, ainsi que chez de nombreuses personnalités littéraires et des artistes japonais.

« Au Salon de la rue des Moulins » (1894), salon assidûment fréquenté par Toulouse-Lautrec, passionné par la vie des pensionnaires, leur côté naturel et sentimental, leur manque de dissimulation, leur drôlerie.  En guise de pied de nez à ses origines il disait à leur sujet : « Elles ont du cœur ; la bonne éducation vient du cœur, ça me suffit ! ». Les prostituées ici attendent le client, mais nous ne voyons rien de vulgaire, rien d’érotique dans la peinture simple et chaste de ce salon luxueux. Au premier plan on reconnaît une certaine Mireille, que le peintre affectionnait particulièrement et dont la diagonale de la jambe semble une invitation. Mais l’essentiel du tableau réside dans la peinture des visages, qui expriment ennui, lassitude, accablement et une certaine résignation (de condamnées ?). La patronne par contre, vêtue de pied en cap, nous présente un visage animé d’un sentiment de satisfaction cupide … 

A l’instar de Baudelaire, Toulouse-Lautrec va également aborder le thème des amours interdites, très choquant pour la morale bourgeoise de la Belle Epoque :

« Dans le lit » (1893), huile sur carton. Ce tableau est l’aboutissement d’une étude prise sur le vif, sans chercher à choquer. On sent ici une certaine complicité entre ces femmes, qui vivaient dans une grande promiscuité, alors qu’elles recevaient les clients dans des chambres luxueuses. Le peintre les représentera toujours avec beaucoup de tendresse et de respect, voyant probablement en elles des exclues comme lui de la société qui leur refusait une vie normale.

D’autre part Toulouse-Lautrec a souvent travaillé sur du carton, qui donne une couleur de fond par sa propre teinte et facilite les esquisses spontanées.

3 : Si la France en cette fin de siècle a découvert l’art japonais, elle connaît également un engouement pour l’Angleterre et son mode de vie :

Comme la plupart des aristocrates de la Belle Epoque, Henri parle couramment l’anglais, écrit ses lettres soit en français, soit en anglais et ira même jusqu’à vivre « à l’anglaise ».

May MiltonIl « s’entichera » d’une chanteuse irlandaise, tendre amie de Jane Avril, dont les niaiseries l’amusent : « May Belfort » (1895), qui partage la vie d’une danseuse anglaise, « May Milton » (1895), une rousse qui séduira le peintre, mais qui ne tiendra la scène qu’un hiver ! Il faut bien reconnaître que ces deux artistes, qui eurent une carrière aussi belle qu’éphémère, furent sauvées de l’oubli  grâce à Toulouse-Lautrec, qui les immortalisa sur deux affiches !

Il rencontre également une danseuse américaine des Folies Bergères :

« Loïe Fuller » (1893), lithographie rehaussée d’aquarelle et de poudre d’or, selon un procédé oriental. Artiste très douée, Loïe  connut un succès ininterrompu pendant 10 ans, mais elle n’appréciait pas Lautrec et refusera obstinément qu’il exécute une affiche pour elle ( ce qui explique que son nom soit beaucoup moins connu que d’autres). Elle dansait enveloppée dans d’immenses voiles, qu’elle maintenait à l’aide de baguettes, le tout étant éclairé par des projecteurs multicolores, qui la faisaient ressembler à une torche évanescente.

4 :  La Belle Epoque connaît aussi une activité théâtrale et littéraire intense :

Vers 1895 Toulouse-Lautrec va s’éloigner de Montmartre  pour diversifier ses sources d’inspiration, qui  au fil du temps deviennent plus intellectuelles. Avec son cousin Gabriel Tapié de Celeyran, pour lequel il exécutera de magnifiques toiles, il ira écouter  entre autres Sarah Bernardt (qui dut sa célébrité à des affiches d’Alphonse Mucha !), ainsi qu’une chanteuse d’opérette du nom de Marcelle Lender, pour laquelle il a réalisé de nombreux portraits et lithographies.

Et il va même devenir l’un des principaux collaborateurs de :

La Revue blanche

 « La Revue Blanche »(1895), la publication phare par excellence où, sous la direction des frères Thadée et Alexandre Natanson, s’exprimaient les écrivains et les peintres les plus doués de l’avant-garde de l’époque : Apollinaire, Renard, Proust, Mallarmé, Cézanne, Gauguin, Manet …

Sur cette affiche, où le peintre a manifestement utilisé  à nouveau plusieurs techniques japonaises, nous voyons la silhouette élégante de Missia Natanson, l’épouse du directeur, chez laquelle nous retrouvons quelques attributs féminins de la Belle Epoque. C’était une femme très cultivée, excellente pianiste, qui était devenue la muse d’un cercle d’intellectuels dans les années 1900 et qu’une grande complicité liait à Toulouse-Lautrec, ravi d’être apprécié pour ses talents artistiques mais également pour ses qualités intellectuelles.

5 : A la Belle Epoque on s’est aussi passionné pour le cirque :

Le cirque était l’attraction populaire par excellence et il en existait beaucoup. A Montmartre se trouvait le célèbre cirque Fernando, où avait débuté la Goulue et qui sera plus tard racheté par le clown Medrano, qui lui donnera son nom.

Au cirque Fernando. L'écuyère

« Au cirque Fernando : l’Ecuyère » (1888). Cette huile sur toile fut le premier grand chef d’œuvre de Toulouse-Lautrec. Nous apercevons ici dans une dynamique concomitante de gestes et de mouvements : deux clowns, le directeur du cirque le fouet à la main, la diagonale constituée par le cheval fougueux ainsi que l’écuyère dont les traits seraient empruntés à Suzanne Valadon. Quant aux spectateurs à l’arrière plan, coupés sans ménagement par les bords du tableau, leur immobilisme ne sert qu’à renforcer, par un effet d’opposition, le dynamisme de la scène qui se joue sur la piste.

Toulouse-Lautrec a toujours fréquenté le cirque, aimé les clowns, les acrobates, car tout cela représentait pour lui l’inaccessible à cause de ses jambes atrophiées. Nous verrons à Albi  la clownesse Cha-U-Kao du Nouveau Cirque, l'exotique clown « Chocolat dansant »  (clin d’œil à l’expansion coloniale du Second Empire et de la IIIème République) et n’oublions pas que lors de son internement à Neuilly en 1899, grâce à son extraordinaire mémoire visuelle, le peintre réalisa une série de dessins sur le cirque dans le but de prouver qu’il n’était plus malade !

6 : Enfin la Belle Epoque s’intéressa beaucoup à de nombreuses et parfois nouvelles activités sportives 

L’équitation n’était certes pas une activité sportive nouvelle. Admirons toutefois « Le Jockey ou le galop d’essai »(1899), litho, huile et aquarelle. Tous les membres de la famille d’Henri étaient des cavaliers émérites et le peintre était un grand admirateur des jockeys talentueux et des courses de chevaux, son handicap le portant à admirer l’élégance, la souplesse, la beauté de cet animal magnifique. Comme son maître et modèle Degas, Toulouse-Lautrec, hormis les êtres humains, n’acceptait de représenter non pas des paysages (le peintre ne fut pas un paysagiste !), mais uniquement des animaux et tout particulièrement des chevaux.  Sur cette lithographie les montures et les cavaliers, représentés de dos, semblent surgir devant nous pour traverser le tableau, animés d’une force, d’une fougue, d’une puissance inouïes.

-  On se passionnait aussi pour le cyclisme, sport relativement récent, datant des années 1868. Et au contact de Tristan Bernard, le grand ami, directeur technique du vélodrome Buffalo,  Toulouse-Lautrec devint un amoureux platonique de la « petite reine », la fragilité de ses jambes lui interdisant de pratiquer ce sport.

L’affiche « La Chaîne Simpson » (1896) faisant la publicité de la firme anglaise, représente sur un vélo de course le champion Constant Huret.

-   Beaucoup partageaient aussi une moderne passion pour l’automobile, sachant que c’est en 1886 que la société allemande Daimler-Benz avait lancé la première voiture automobile du monde ! Mais Toulouse-Lautrec semble s’être peu intéressé à cette invention, qu’il n’a représentée qu’à travers « L’Automobiliste », lithographie de 1898, où l’on voit surtout un nuage de fumée noirâtre s’élever au dessus du chauffeur…

Conclusion

L’image que l’on a souvent de Toulouse-Lautrec est celle d’un génie tourmenté, alcoolique, syphilitique, d’un aristocrate dépravé qui fréquentait les maisons closes.

En fait la réalité fut toute autre. Toulouse-Lautrec a été un dessinateur de talent, un portraitiste et caricaturiste hors pair, qui grâce à son crayon incisif s'est vengé sans méchanceté mais avec dérision de la société qui le rejetait. Nous pouvons dire qu’il fut un grand artiste, inclassable, un témoin lucide mais sans complaisance de la Belle Epoque, comme nous pourrons encore le vérifier bientôt au Musée Toulouse-Lautrec d’Albi.

Et je terminerai avec cette définition de Georges Braque sur l’art, qui me paraît illustrer parfaitement toute l’œuvre de Toulouse-Lautrec :

« L’art est une blessure devenue lumière » !

Visite du vieil Albi et du musée Toulouse-Lautrec

(25.11.2009)

Quarante personnes environ participeront à la visite d’Albi. Pendant qu’un groupe fera la visite du vieil Albi avec un guide, un deuxième groupe sous la conduite de MaryseCarrier découvrira les chefs -d’œuvre du  musée Toulouse-Lautrec .

Toute visite à Albi commence près de l’imposante cathédrale Sainte-Cécile, exemple parfait du gothique méridional et symbole de l’autorité catholique retrouvée au lendemain de la croisade contre les Albigeois. Sa construction fut entreprise en 1282 par l’évêque Bernard de Castanet.

Un guide fort érudit détaillera ensuite longuement  toutes les merveilles d’une nef semblable à un vaste vaisseau. Le jubé, l’orgue monumental, l’immense peinture figurant le Jugement Dernier, les fresques de la  grande voûte  sont admirables  et ne peuvent laisser le visiteur indifférent.

Le guide conduira par la suite le groupe vers  le médiéval  Puech- Buérenguier, où la Maison du vieil Albi évoque le plus vieux quartier de la ville et vers la pharmacie des Pénitents , typique du style albigeois avec ses briques entrecroisées et ses colombages. L’Hôtel Reynès  est l’ancien siège de la Chambre de commerce et d’industrie ; mais cette belle demeure Renaissance qui appartenait à une famille de riches marchands de pastel nous rappelle surtout  qu’au 15ième siècle c’est Albi qui fut la première ville du sud de la France à s’intéresser à cette plante tinctoriale. Venu d’Orient, « l’or bleu de la Renaissance » fut à l’origine de la prospérité de nombreuses familles du « Triangle du bleu » (Albi, Toulouse, Carcassonne). Et enfin le petit cloître Saint-Salvi, havre de silence et de recueillement, clôturera notre très agréable visite d’Albi.

La visite du musée Toulouse-Lautrec, situé à l’intérieur du Palais de la Berbie, (ancien évêché transformé au 13ème siècle en forteresse par un certain Bernard de Castanet ), est destinée à compléter la conférence du 18 novembre :

 Nous  verrons ou reverrons  les œuvres de jeunesse du peintre, des portraits, de nombreux tableaux représentant les maisons closes, les célèbres affiches  et les lithographies de l’album « Elles ».

Le Comte Alphonse de Toulouse-LautrecLa Comtesse Adèle de Toulouse-Lautrec

Femme qui tire son bas

Maryse Carrier nous fera partager sa passion pour ce peintre, nous fournissant des explications pour de nombreuses œuvres , toutes remarquables. Ont particulièrement attiré notre attention : « Autoportrait devant une glace », « L’Artilleur sellant son cheval » (peint par Lautrec alors qu’il n’avait que 16 ans !), « Le Comte Alphonse de Toulouse-Lautrec », « La Comtesse Adèle de Toulouse-Lautrec », l’admirable « Femme qui tire son bas », « Femme nue devant sa glace », « Jane Avril » (entourée de son légendaire boa en forme de spirale, caractéristique de l’Art Nouveau), « La Passagère du 54 », « Chocolat dansant », « Portrait de Monsieur Warner », « Les gants noirs d’Yvette Guilbert », « La Modiste », « L’Anglaise du « Star » au Havre », « Mon gardien, maison de santé de Neuilly », « Un examen à la faculté de Paris » (la dernière œuvre du peintre) etc... Bien sûr cette liste ne peut être exhaustive, car elle serait beaucoup trop longue.

Enfin un succulent repas fort convivial fut pris Place Sainte-Cécile pour ne pas trop nous éloigner de toutes les merveilles que nous venions d’admirer.

Photographies : tous droits réservés.


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