16 janvier 2008 : Cezanne en Provence

 Cézanne en Provence. Les sites « cézanniens »

Conférence de Mme Odile FERRANDON

Salle du Sénéchal, le 16 janvier 2008

Les grands sites cézanniens, à savoir le Jas de Bouffand, les villages de l’Estaque et de Gardanne, Château noir et la carrière de Bibémus, l’atelier des Lauves, mettent en lumière les liens profonds qui existent entre Cézanne, son œuvre et son pays natal, la Provence, et le rôle essentiel que cette dernière a joué dans l’évolution de son art et la réalisation de son œuvre au tournant de la modernité.

Paul Cézanne naît à Aix-en-Provence le 19 janvier 1839 ; il y passe son enfance qui le marquera à jamais. Son enfance est marquée par la rencontre, au collège Bourbon, du jeune Emile Zola, élève chétif malmené par ses camarades et que Cézanne vient secourir. Pour le remercier, Zola lui offre un panier de pommes. Ce geste de Zola serait à l’origine du thème des pommes qu’il peindra tout au long de sa vie et plus particulièrement dans ses dernières années, dans de somptueuses natures mortes « purs objets de contemplation », dans lesquelles le peintre « transcende » le quotidien. Son enfance est heureuse ; il partage avec E. Zola et un autre collégien, J.B. Baille, plaisirs intellectuels et sportifs, excursions sur la montagne Sainte Victoire ou baignades dans l’Arc, qui seraient à l’origine de deux thèmes emblématiques de Cézanne : les baigneuses et la Sainte Victoire.

C’est à Paris que Cézanne débute sa carrière de peintre vers 1862, mais l’appel de la Provence est toujours le plus fort. Il y fait de nombreux séjours, pour y vivre plus souvent dans les années 1880 et s’y installer définitivement dans les années 1890.

Le Jas de Bouffand : le site « cézannien » par excellence – Il l’occupe le plus souvent quand il réside à Aix. C’est la maison personnelle qu’il occupera pendant quarante ans de 1859 à 1899. C’est le centre de gravité de Cézanne en Provence. C’est une grande bâtisse du XVIIIème siècle, située dans un beau parc de quatorze hectares.

Au Jas de Bouffand, Cézanne met en pratique les leçons de l’impressionnisme, reçues de Pissaro. La bastide, son parc, le bassin, l’allée de maronniers, sont un véritable « atelier en plein air » et deviennent les sujets de nombreux tableaux qu’il reprend inlassablement pour tester ses propres recherches, animé par un souci de construction et de clarté de la composition.

Il réalisa au Jas de Bouffand une première série de portraits d’une force extraordinaire, choisissant pour modèles ses proches, parents et amis (portraits du père, de l’oncle Dominique, d’Antony Valabrègue), portraits réalistes, modelés dans une pâte épaisse posée en aplats avec vigueur. Après son mariage à Aix, en 1886, avec Hortense Fiquet, cette dernière devient son principal modèle entre 1886 et 1892.

Dans les années 1890, Cézanne prend pour modèles les gens simples qu’il côtoie et qu’il aime pour leur authenticité : servantes, ouvriers, paysans du Jas de Bouffaud. Par un travail de schématisation et de simplification, il en réalise des portraits denses et sculpturaux, tout en volumes et monumentalité, et néanmoins empreints de sagesse et de grandeur.

L’Estaque et Gardanne – L’Estaque, alors petit village de pêcheurs niché au fond de la baie de Marseille, est un site privilégié dans l’évolution du style de Cézanne vers la maturité des années 1880. Cézanne est enthousiasmé par ce site. Il est sensible à la beauté des paysages aux lignes harmonieuses, à sa végétation toujours verte qui lui permet de travailler lentement, à sa lumière vive. Dure et égale, la lumière du midi découpe les formes et donne une vision simplifiée des motifs et des paysages, ce qui convient à ses recherches. Cézanne, toujours soucieux  « de faire du Poussin sur nature » aspire à toujours plus de clarté et de solidité du tableau. Il réalise 27 toiles de l’Estaque, reprenant inlassablement les mêmes vues. Il recrée le paysage selon ses exigences plastiques en ordonnant, épurant, et réalise, selon ses termes, une « harmonie parallèle à la nature » pour donner une vision claire, stable et intemporelle du paysage : c’est « la vision cézannienne ».

Cézanne fut sensible à la composition pyramidale du village de Gardanne, à quelques kilomètres au sud d’Aix, aux constructions étagées autour de son clocher.

Château noir et Bibémus ont fasciné Cézanne par leur contraste de formes et de couleurs : les épais sous-bois sombres et tumultueux du domaine de Château noir opposés à la pierre ocre de la bâtisse. Picasso et Braque ont regardé les toiles de Château noir ; les vastes champs de blocs de la carrière de Bibémus et la géométrie des pierres ocres opposés à la végétation sauvage poussant en toute liberté sur la carrière abandonnée ont attiré Cézanne, qui annonce le cubisme autant que le fauvisme dans une série de toiles magnifiques.

L’atelier des Lauves –Après la vente du Jas de Boufand, Cézanne, en 1901, ressent le besoin de se faire construire un véritable atelier, à l’écart de la ville d’Aix, sur la colline des Lauves ; c’est l’atelier des Lauves auquel sont attachées les trois « grandes baigneuses » et les dernières Sainte Victoire, deux thèmes emblématiques de son œuvre, qu’il a traités tout au long de sa vie mais qui, dans les dernières années, deviennent un véritable enjeu pictural. Ils concentrent ses dernières recherches et ouvrent la voie à une nouvelle peinture.

Les « grandes baigneuses » - En poursuivant ce thème, Cézanne aspire à se situer dans la ligne des grands maîtres qu’il vénère : Giorgione, Le Titien, Rubens, Poussin, qui, tous, ont peint des nus dans un paysage, mais il ne cherche pas à peindre des nus sensuels. Il cherche à intégrer des nus dans un paysage, de manière harmonieuse, pour mettre en communion l’homme et la nature dans une nouvelle Arcadie, par des moyens purement plastiques de formes et de couleurs. Son œuvre compte 150 toiles de baigneuses. Mais Cézanne est toujours resté un peintre sur le motif et le principal motif qu’il n’a cessé d’interroger est la montagne Sainte Victoire.

La montagne Sainte Victoire – Elle apparaît très tôt dans son œuvre, dès les années 1870, mais de manière très discrète. Dans les années 1880, années de la maturité, Cézanne se prend de passion  pour la Sainte Victoire, associant sa silhouette à des arbres. Dans les années 1890, il se rapproche d’elle par la route du Tholonet : « Sainte Victoire vue de Bibémus », « Sainte Victoire et Château noir » où sa masse pyramidale apparaît comme un puissant symbole de la nature dans sa permanence ».

Dans ses dernières Sainte Victoire, elle devient l’unique objet de ses tableaux : 11 « Sainte Victoire vue de Lauves », étonnantes par leur facture , un éclatement de la surface peinte en une mosaïque de taches de couleur à la limite de l’abstraction. Cézanne écrit alors « les sensations colorantes que donne la lumière sont, chez moi, cause d’abstraction ».

C’est en peignant sur le motif que Cézanne est surpris par un violent orage le 15 octobre 1906, et pris de malaise. Il meurt le 23 octobre 1906.

En 1886, il écrivait de Provence à son ami Victor Choquet : « il y aurait des trésors à emporter de ce pays-ci qui n’a pas trouvé encore un interprète à la hauteur des richesses qu’il déploie ». En offrant à Cézanne ses hommes, ses paysages, ses couleurs, sa lumière, la Provence a bel et bien trouvé en cet artiste, issu de sa terre féconde, l’interprète qui lui manquait pour en célébrer les richesses dans une œuvre intemporelle et de pure beauté.


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