Voyage en VENDEE, AUNIS et SAINTONGE

(13-17 mai 2015)
Francis DABOSI
Professeur d'Université (H), membre AMOPA 31
Photographies de l'auteur 

A 6h30, le car des 32 participants de l'AMOPA31 au traditionnel voyage du Pont de l'Ascension quitte Toulouse pour Saintes, première étape d'un périple centré sur le littoral charentais. Cette ville d'art et d'histoire, fief des Santons, patrie de Bernard Palissy et du Dr Guillotin, recèle avant tout de prestigieux vestiges de l'antiquité, des joyaux d'art religieux et des demeures élégantes. Voici d'abord, dans leur écrin de verdure, les arènes gallo-romaines du 1er siècle ap. J.-C. et l'un des plus grands amphithéâtres de la Gaule chevelue avec ses 20.000 places, que domine le clocher flamboyant à flèche de pierre de l'Eglise Saint Eutrope

Le Groupe AMOPA 31 à Saint Palais.

Saintes. Les arènes et le clocher de Saint EutropeLa crypte romane est dotée d'une voûte très sobre soutenue par de robustes colonnes aux chapiteaux sculptés. L'église supérieure annonce par l'harmonie de ses frises, de ses absidioles et chapiteaux romans, la richesse de l'art roman saintongeais. Dans le centre historique, la Cathédrale gothique Saint Pierre, au lourd clocher-porche coiffé d'une coupole angoûmoise, veille sur l'Echevinage et sur maints hôtels de notables des 17ème et 18ème siècles ; la Chapelle des Jacobins héberge des tailleurs de pierre à l'ancienne qui sculptent avec talent des pièces d'architecture religieuse : un moment rare de découverte du savoir-faire des Anciens !. L'Arc de Triomphe de Germanicus et les vestiges des Thermes Saint Saloine (non visités) nous rappellent l'importance de Saintes, au seuil de notre ère. La Charente franchie, l'église abbatiale Notre Dame, (Abbaye aux Dames), fondée en 1047, mérite un détour. Bénéficiant en 1378 de la protection royale et des faveurs d'Eléonore d'Aquitaine, ce très important monastère pour femmes accueillit jusqu'à 100 nonnes. Très abîmée lors des conflits, abandonnée en 1792 puis prison et site de garnison militaire, propriété de la ville en 1924, elle est rendue au culte en 1934. Le Centre Culturel y crée un Festival en juillet. Jouxtant l'abbaye, l'église Sainte Marie du 12ème siècle est dotée d'une façade de pur style saintongeais. Son clocher, très typé, évolue d'un plan carré à un socle de douze côtés, sommé d'une tour ronde à fenêtres géminées qui se singularise par sa coiffe pointue de pierre en pommes de pin. La prochaine étape, sur la route de Rochefort, est celle du Château de la Roche Courbon. Château de La Roche CourbonL'imposant porche en pierre franchi, on aperçoit le prestigieux édifice et le robuste donjon féodal carré ; quelques pas encore et nous voici découvrant avec surprise les perspectives, sur fond de forêt, de jardins à la française et de pièces d'eau, sauvés de l'oubli par Pierre Loti. L'histoire mérite d'être évoquée. La forteresse élevée en 1475 sur la falaise calcaire, occupée dès la préhistoire, transformée en 1603 en château d'agrément par Jacques de Courbon, prend le nom de La Roche Courbon. Le tableau de Jan Hackaert révèle la beauté du site, vers 1680 ; deux pavillons Louis XIII encadrent l'esplanade des jardins bloqués à l'ouest par le cours du Bruant. Même Versailles ne bénéficiait pas encore de tels jardins à la française ! Au 18ème siècle, les structures se dégradent. Les héritiers sont plus attirés par la Cour du Roi que par l'entretien de leur bien... Le château, abandonné à la fin du 19ème siècle, suscite l'émoi de Pierre Loti qui séjourne souvent à Saint Porchaire, bourg proche du domaine qu'il qualifie même de Château de la Belle au Bois Dormant...L'appel au mécénat qu'il lance fin 1908 dans le Figaro est entendu par un industriel amateur d'art de Rochefort, Paul Chénereau ; celui-ci crée une Association et engage, entre 1925 et 1938, une vaste opération de restauration du domaine ; une belle exposition en retrace pour nous les étapes. L'architecte-paysagiste Ferdinand Duprat prolonge le creusement d'une pièce d'eau. 20 ans plus tard, hélas, les marais provoquent l'affaissement des terrains précédemment aménagés (8 cm par an!). En 1967, des travaux titanesques sont entrepris, contrariés par un incendie en 1990 et par la tempête en décembre 1999. Durant 25 ans, les jardins sont réaménagés sur pilotis ! 2000 pieux, longs de 8 à 13 mètres, viennent supporter des solives et des planchers permettant de recréer balustrades, échauguettes, embarcadère, pelouses et chemins ! On en admire aujourd'hui le superbe résultat. La façade, ornée d'arcades Renaissance avec de larges fenêtres, comporte un élégant balcon en avancée sur des arcs en anse de panier soutenus par cinq colonnes d'ordre toscan. Un escalier à double palier dessert le jardin et les pièces d'eau. Le château, entièrement meublé, nous révèle une salle Louis XIII aux poutres peintes, un exceptionnel cabinet de peintures sur bois de 1662, une cuisine saintongeaise, une chambre paysanne, la spacieuse salle à manger et le salon avec leurs mobiliers d'époque. Nous venons de découvrir un joyau exceptionnel du patrimoine architectural saintongeais dans son écrin enchanteur. C'est l'heure du départ pour Chatellaillon où nous se-rons hébergés. Au fil des km, la région déroule en ondulations douces ses vastes étendues agricoles ; rien n'indique qu'elle fût en fait sévèrement disputée tout au long de l'Histoire : résistance des Santons aux légions romaines, invasions barbares, annexion au royaume franc, luttes franco-anglaises, Guerres de Religion, Révolution. Nous arrivons à Chatellaillon-plage, au nord de Rochefort. Cette coquette station balnéaire de la fin du 19ème siècle, a su préserver le charme de la Belle Epoque ; ses 3 km de sable fin gardent encore lesstigmates des turbulences marines et des tempêtes hivernales récentes.

La deuxième journée du voyage nous conduit dans le Marais vendéen, d'abord à l'abbaye Saint Vincent à Nieul sur Autize. Abbaye de Nieul sur Autize. Cloître, enfeugothique et salle capitulaireNous traversons de nombreux petits bourgs aux maisons blanches et basses de l'habitat maraichin, typiques de cette Venise verte, drainée par un réseau dense de voies d'eau qui canalisent la Sèvre Niortaise jusqu'à l'Océan. L'abbaye Saint Vincent doit beaucoup au soutien de Prosper Mérimée, subjugué en 1840 par la beauté de ce chef-d'œuvre de l'art roman bas-poitevin. L'église actuelle, du 12ème siècle a quelques soubassements plus anciens. Seuls subsistent le carré du transept, une partie des croisillons, le chœur, l'abside et une petite chapelle gothique. La façade actuelle garde les traces d'un arc. Des animaux fabuleux sculptés se nichent un peu partout, sur les fenêtres, sur les chapiteaux ou en haut du portail central. Des damiers, octogones et entrelacs occupent le haut de la façade. A l'intérieur, sur l'ancienne croisée du transept subsistent les amorces d'une ancienne coupole en trompe, support d'un puissant clocher carré. Un second clocher se dresse au-dessus du portail. Le chœur très profond, voûté en berceau, est renforcé par des doubleaux sur colonnes géminées. Quelques chapiteaux sont historiés ou ornés de motifs végétaux. Les piliers, inclinés, ont été renforcés au 17ème siècle par trois puissants arcs-boutants. Arcatures de l'abside avec colonnes-contreforts, colonnettes trapues, chapiteaux historiés, corniche à modillons de masques, animaux ou personnages grimaçants : tous les éléments typiques de cet art roman sont là ! Dès l'entrée dans l'abbaye, on plonge dans la vie monastique d'antan ; une muséographie soignée associe livrets tactiles thématiques, panneaux audio-visuels, instruments de musique médiévaux et illuminations synchronisées des pièces sculptées. Le cloître roman carré du 12ème siècle, seul ensemble complet dans l'ouest de la France, dessert à l'étage les dortoirs ; il comporte cinq travées d'arcades trapues et des colonnes géminées. Un enfeu gothique aurait hébergé la tombe de la mère d'Aliénor d'Aquitaine. La salle capitulaire aux voûtes rehaussées jouxte un passage menant au jardin et au cimetière des chanoines. L'ancien chauffoir et le réfectoire re-manié complètent ce remarquable ensemble où vécurent jusqu'à 20 moines. Par-delà les jardins, la Maison d'Aliénor nous propose une visite virtuelle ludique de l'abbaye au 12ème siècle et de la vie des chanoines -comme si l'on y était(!)-. Une monumentale bibliothèque s'anime soudain ; de petits personnages virtuels sortent des livres pour venir nous conter l'histoire des lieux : un véritable théâtre optique! Des maquettes et une vidéo sur les abbayes de Vendée complètent ce passionnant voyage dans le passé. A l'issue du déjeuner, nous nous rendons à l'embarcadère d'Arçais, pour une promenade dans le dédale des conches à bord de barques traditionnelles à fond plat (batais), poussées avec de longues perches (pigouilles), avec en prime les commentaires des bateliers. Les terrées -parcelles réservées aux plantations de frênes étêtés (tétards), aux cultures maraîchères ou à l'élevage- sont bordées d'arbres trapus. Dans le Marais mouillé, les fermes (cabanes) de l'habitat maraichin donnent sur une venelle carrossable et sur une conche (canal), ce qui facilite la gestion des ressources et le négoce. Autrefois, les autochtones pouvaient, dit-on, vivre en parfaite autarcie. La culture des mojettes (haricots blancs) demeure l'une des activités emblématiques du maraîchage. L'habitat rural exploite les calcaires des zones émergées, le bouleau pour la charpente et le bri des marais (les tiges de bottes) pour les tuiles. Il fallut beaucoup de volonté et d'ambition pour maîtriser les 100.000 hectares d'un territoire inhospitalier scindé en marais mouillé et marais desséché.

Promenade sur les canaux de la Venise VerteLe drainage des sols et la réalisation des réseaux de digues et de canaux, amorcés par les Romains, furent poursuivis par les moines des abbayes du 11ème siècle, puis par Henri IV avec l'Ingénieur hollandais Humphrey Bradley et, enfin par Louis-Philippe. En dépit des conflits et de la fragilité de cet écosystème, le Parc interrégional reçoit en 2010 le label Grand Site de France, puis celui de Destination touristique européenne d'excellence. Cap sur La Rochelle ! Quittant la Vendée, nous voici -une quarantaine de kilomètres plus loin- sur le Vieux Port de La Rochelle

La Rochelle. Porte de l'Horloge

La fin de l'après-midi est consacrée à la visite des vieux quartiers édifiés sur le socle calcaire (rocella, origine du nom de la ville). Nous allons à l'essentiel : le panorama est superbe ; il s'étend des immeubles anciens du quai Duperré à la porte massive de la Grosse Horloge élevée au 14ème siècle, amputée en 1672 de l'un de ses passages-, puis aux trois célèbres Tours : de Saint Nicolas - donjon palatin de défense, haut de 42 m, devenu prison d'Etat- , de La Chaîne -veillant sur le trafic, la sécurité et le négoce portuaires- et de La Lanterne, en vigie sur l'avant-port, ancienne geôle de milliers de détenus dont les fameux quatre sergents carbonari en 1822. Ce sont maintenant les rues à arcades, à vocation marchande, avec leurs façades blanches et gargouilles originales. Le patrimoine architectural est très riche. Citons en vrac : L'Hôtel de Ville -avec son haut mur gothique et sa tour-beffroi-, victime d'un grave incendie en 2013, en restauration sur 5 ans ; l'Hôtel de la Bourse, du 18ème siècle, avec ses deux ailes réunies par une imposante galerie autour de la cour ; le Palais de Justice dont la façade est ornée de puissantes colonnes corinthiennes. Le charme de La Rochelle, c'est aussi : l'église Saint Sauveur, plusieurs fois in-cendiée ; le clocher gothique Saint Barthélémy, les maisons médiévales à pans de bois et ardoises, les Hôtels d'armateurs du 18ème siècle et la maison Venette, avec ses débauches de cariatides sur les façades, ses fenêtres sculptées et ses gargouilles en pierre. 

 
 

Le troisième jour est consacré d'abord à Brouage puis à l'Ile d'Aix. A proximité de Rochefort, voici, planté sur ses échasses métalliques, l'imposant squelette d'acier du Pont Transbordeur à cheval sur le cours de la paisible Charente. Réalisé en 1900, son tablier, haut de 50 m, permettait aux bateaux de remonter jusqu'à Tonnay-Charente. En 1966, le film Les Demoiselles de Rochefort y fût tourné. Remis en circulation piétonne en 1994, sa nacelle peut accueillir 100 personnes. C'est le seul survivant des ponts de ce type en France. Quelques 20 km encore et, au détour d'une route sinueuse, entre champs et canaux, se dresse la ceinture de remparts de Brouage. Baigné par la mer au moment de sa fondation, en 1555, sur du lest (mélange de galets et de boue), Brouage devait servir d'avant-port à Hiers pour le négoce du sel, or blanc local. Nous y pénétrons par la Porte Royale, bordée d'une allée d'ormeaux, jadis quai pour quelques 400 bateaux de pêcheurs de morue en partance pour Terre-Neuve ! Nous herborisons dans le damier des rues à angle droit de la cité en-core en sommeil et découvrons les vestiges de son passé militaire: Les remparts, hauts de 13 mètres, percés de canonnières et défendus par 7 bastions ; la Halle aux vivres, devenue Centre européen d'architecture militaire, où l'on pouvait stocker 720 barriques et 300 tonnes de blé ; Les deux poudrières de Saint Luc et de la Brèche où étaient entreposées 20 tonnes de poudre ; la Place d'Armes et les deux Portes -Royale, aux armes de France et de Navarre et de Marennes au sud-. Quel fût le passé de cette Aigues-Mortes de l'Atlantique ? Durant les Guerres de Religion en 1576, le Duc de Guise s'empare de la ville pour mieux encercler La Rochelle, protestante. Déclarée ville royale en 1578 par Henri III, elle devient le coffre-fort du pouvoir central. Le port, bloqué par les Rochelais, se voit obstrué par les 21 navires anciens qu'y coule Condé. Avec Richelieu et Louis XIII, Brouage dotée d'une nouvelle enceinte et d'une garnison de 8.000 hommes, devient le cœur logistique de la machine de guerre royale pour la reconquête de La Rochelle. Anecdotiquement, Mazarin y exile sa nièce, Marie Mancini, fin 1659, pour l'éloigner de Louis XIV qui la courtisait... En 1685, Vauban modernise les bastions. Entre temps, Samuel de Champlain, né vers 1570, a tissé des liens très forts entre Brouage et le Québec, scellés par de nombreux échanges et dons. Le 17ème siècle marque le déclin de Brouage. Avec la baisse du niveau de la mer, entouré de marécages insalubres, le port se meurt et les marais-salants sont abandonnés. Louis XIV reporte sur Rochefort ses ambitions maritimes. Brouage devient centre de rétention à la Révolution. Le bourg cherche au-jourd'hui à renaître avec la manne du tourisme. C'est l'heure du départ pour la presqu'île de Fouras les Bains -centre de villégiature balnéaire apprécié-, d'où l'on embarquera à la Pointe de la Fumée sur le Pierre Loti à destination de l'île d'Aix. Le château du 11ème siècle, vigie sur l'estuaire de la Charente, devient avec la création de l'arsenal de Rochefort en 1666 une pièce maîtresse du système de défense pour Louis XIV, en relais du Fort Boyard, distant seulement de quelques miles. En une vingtaine de minutes, on atteint la pointe Sainte Catherine de l'Ile d'Aix, proche du Fort de la Rade, position stratégique fortifiée par Vauban (cela va de soi...), complétée par une dizaine de batteries côtières sur ce confetti de terre d'à peine 1,19 hectare ! Un second fort -Le Fort Liédot-, fût la geôle de Communards en 1871, d'insoumis en 1917 et de Ben Bella et de 4 de ses compagnons du FLN en 1959. Sitôt franchi le pont-levis, tout respire ici Napoléon qui n'y séjourna pourtant que 3 jours (!) avant l'exil. Ponctuée des commentaires truculents du cocher, Promenade en calèche dans l'île d'Aixla promenade en calèche sur les chemins de l'île nous révèle la diversité des paysages sur un aussi petit bout de terre, paradis des piétons et des cyclistes. Si les voitures sont exclues, l'île d'Aix peut en revanche, se vanter de détenir le record national du nombre de musées (3 !) sur une aussi petite surface : le Musée-Maison de Napoléon, le Musée africain et le musée de la nacre. La visite du premier d'entre eux est incontournable. Le Baron Gourgaud, arrière-petit-fils de l'Officier d'Ordonnance de l'Empereur, a acheté puis revendu à l'Etat cette demeure construite en 1808 par Napoléon, en faisant le don de l'ensemble des meubles, objets d'art, documents et... de 52 pendules anciennes arrêtées à 17h49, heure du décès de l'Empereur, le 5 mai 1821, à Longwood. L'épisode des Brûlots (les 11 et 12 avril 1809) et la semaine précédant son départ en exil (entre le 8 et le 15 juillet 1815) sont les deux moments forts et tragiques de l'histoire de l'Ile d'Aix. En 1808, en plein blocus continental, l'escadre qui devait franchir les lignes de l'escadre anglaise, mouillant au nord de l'île, échoue dans sa mission ; dans la nuit, une trentaine de brûlots anglais dérive vers les vaisseaux français qui, envasés, subissent le pilonnage de l'ennemi et ne peuvent aller aux Antilles. A l'été 2015, à l'issue de longues tractations, Napoléon doit se résoudre à l'exil. Embarqué sur le brick l'Epervier, puis transféré sur le Bellérophon, il est exilé à Sainte Hélène.

Le quatrième jour est totalement dévolu à l'Ile de Ré . Finie la problématique traversée par bateau entre La Pallice et la Pointe de Sablanceaux !. Dès 1988, un Pont alluré, long de 2 km, dont le tablier en cloche s'élève à 30m au-dessus des flots, donne accès aux 85 km2 de Ré la Blanche. Le soleil nous y accueille, comme il le fait, en moyenne, 2.600 heures par an... Plate avec un faible bombement de 20 m à Bois-plage en Ré, les paysages paisibles conservent un certain caractère sauvage, malgré la forte emprise du tourisme. Les fameux ânes à culottes ou pantalons qui les protègent des moustiques, ne sont hélas pas au rendez-vous....Dans les venelles de Saint Martin de RéNotre première halte concerne la visite de Saint-Martin-de-Ré, capitale fortifiée de l'Ile. Les Portes des Campani et de Toiras sont, ici encore, l'œuvre de Vauban pour sécuriser la ville face aux Anglais. Toutes les venelles convergent vers le Port

à deux bassins, jadis lieu de négoce très actif (vins, sel), animé aujourd'hui par la pêche et la plaisance. Entre 1897 et 1938, l'ancienne Citadelle -actuelle prison-reçut les bagnards en attente du transfert vers la Guyane ou la Nouvelle-Calédo-nie. Les maisons anciennes à pans de bois, colombages et encorbellements -dont la Maison de la Vinatrie- et de riches hôtels particuliers (tel l'Hôtel de Cerjotte du 15ème siècle) témoignent du rayonnement de Saint-Martin-de-Ré quand armateurs et commerçants y faisaient fortune. Les églises Saint Martin et Sainte Marie portent toutes deux les stigmates des Guerres de Religion. Avant Ars-en-Ré -notre prochaine étape- dont on aperçoit au loin le clocher peint en noir et blanc de l'église Saint Etienne, fin comme une aiguille, amer pour les marins-, nous visitons une ferme ostréicole du Martray ; son propriétaire nous conte avec verve l'histoire de son métier. L'isthme est ici large d'à peine 700 mètres entre la côte sud et le Fier d'Ars. Outre les huîtrières, la réserve naturelle du Lilleau des Niges - 220 hectares de marais-salants, prairies et prés-salés- accueille ici plus de 80% des 300 espèces d'oiseaux qui transitent par l'Île de Ré. Déambuler ensuite dans les venelles étroites d'Ars, aux angles écornés pour le passage des attelages, est un réel plaisir. Les rosiers ornent les façades blanches de maisons basses aux portes et volets peints aux couleurs vives. La Maison du Sénéchal (16ème siècle) est, avec la touche médiévale de ses échauguettes et de l'escalier à vis rapportés, la plus belle demeure d'Ars. L'ancienne raffinerie de sel, les vestiges d'anciens moulins à vent et le Port autrefois fréquenté par les vaisseaux nordiques en quête de sel, témoignent du riche patrimoine du bourg, tout comme l'ancienne gare du petit train de l'Île de Ré ; affecté au transport des vins et marchandises de 1898 à 1935, il se mua en autorail de tourisme pour quelques années encore. La visite du Phare des Baleines, à la pointe ouest, clôture notre périple îlien. Ce phare doit son nom aux nombreux cétacés qui s'échouaient là. Le phare actuel, haut de 57 mètres avec ses 257 marches, remplaça en 1854 l'ancien phare, haut de seulement 29 mètres, construit en 1682 . Louis XIV qui avait, en effet, décidé en 1661 de faire de la France la première puissance maritime européenne, confie en 1669 à Colbert la construction d'une tour éclairée, réalisée par Vauban (encore lui!) en 1682. Le mode d'éclairage évolue de la torche à huile de poisson à une lanterne en fer au charbon puis à un système de réverbères en cuivre pour aboutir à des réflecteurs à double effet. Les 125 naufrages enregistrés entre 1793 et 1838 entraînent la réalisation du phare actuel, d'une portée de 50 km.Toute cette histoire est fort bien décrite dans le musée attenant au phare.Un troisième phare -le petit phare des baleinaux- occupe un banc rocheux à plus d'un mile en mer. C'est à présent l'heure du retour sur La Rochelle pour la visite de l'Aquarium.Ouvert en 2001, il est l'un des plus grands aquariums privés d'Europe. D'une conception très innovante, il abrite plus de 12.000 animaux marins de 600 espèces différentes qui évoluent dans 77 superbes aquariums alimentés par 3.000 m3 d'eau de mer. Un remarquable jardin tropical clôture ce monde de rêve.

 

 
 

Echillais. Façade de Notre Dame de l'AssomptionVoici venue la cinquième et dernière journée. Empruntant le viaduc du Martrou culminant à 41 m au-dessus de la Charente, nous faisons un détour par Echillais pour découvrir l'église Notre Dame de l'Assomption, bâtie au 12ème siècle puis fortifiée au 15ème siècle, l'un des chefs-d'œuvre de l'art roman saintongeais. Sa façade carrée -typique des rares églises dite en arc de triomphe- étonne avant de séduire par la symétrie rigoureuse de son décor. Sa profonde restauration, entreprise en 2010, a gommé les plus graves outrages du temps…et des conflits humains. On ne peut décrire ici tous les éléments sculptés -souvent détériorés- des baies, voussures, chapiteaux, modillons ou corniches. La rigueur et l'harmonie entre volumes et surfaces, la subtilité et la force des thèmes qui émanent des attitudes et de la mise en scène des personnages et des animaux caractérisent la parfaite gestion de l'ensemble ; ainsi cette magnifique arcature à 9 cintres outrepassés avec ses archivoltes sur 14 colonnettes monolithes. L'ornementation de chaque arc, très riche -trop même- avec ses palmettes, rinceaux, croix et marguerites perlées à 8 ou 11 branches (!). Tout a été conçu pour rendre les messages lisibles par tous et frapper les esprits : dragon avalant une colonne (grand'goule), bouc avec une corde au cou pour museler les vices et les passions, etc... L'abside romane, semi-circulaire, est tout aussi soignée. Par opposition, la nef offre un intérêt plus limité, hormis l'abside en cul-de-four à chapiteaux avec personnages, animaux et végétaux et bandeau de demi-besants. Les murs latéraux ont peu d'intérêt, tout comme le modeste clocher qui se termine par une petite pyramide. Nous quittons Echillais pour Rochefort où naquit Pierre Loti. Après un rapide tour de ville en car, nous nous rendrons à la Corderie Royale. Ville nouvelle du 17ème siècle, aujourd'hui ville d'art et d'histoire, Rochefort sur Mer doit son existence à la volonté de Louis XIV de construire une flotte pour rétablir sa puissance et favoriser le commerce. Ce site occupe une position centrale sur la façade atlantique, protégé par les îles et relié à l'arrière pays par la Charente. Le sol marécageux et les risques d'inondation étaient pourtant peu attractifs mais, face au déclin du port de guerre de Brouage, Colbert crée l'Arsenal militaire et maritime de Rochefort puis la Corderie Royale. La ville, édifiée le plus loin possible du fleuve, garde la mémoire des nombreuses Ecoles de formation pour la Marine et l'Armée créées dès 1665. Des demeures cossues et des hôtels particuliers, témoins d'un négoce prospère, jalonnent les rues tracées au cordeau. Mais les difficultés d'exploitation de l'Arsenal et des mouvements de navires en eau peu profonde génèrent des conflits et la banqueroute en 1720. L'Arsenal ferme en 1926. En 2000, le viaduc de Martrou relance l'économie en désenclavant le secteur. Rochefort trouve un nouveau souffle avec la construction aéronautique et la plasturgie, le commerce fluvio-maritime, le secteur tertiaire administratif et l'offre touristique liée à ses musées et à l'essor du port de plaisance. Les chantiers réalisent en 17 ans la réplique de la frégate l'Hermione (1778) de La Fayette. Partie en mer le 18 avril 2015, elle ne sera de retour à Rochefort que le 31 août 2015 ! En guise de lot de consolation, on aperçût au mouillage la réplique de la caravelle Nao Victoria, caraque avec laquelle Magellan fît le premier tour du monde entre 1519 et 1522. Corderie Royale de RochefortLa visite de la Corderie Royale nous révèle ce prestigieux joyau du patrimoine maritime de Rochefort. Construite en 1666, c'est alors la plus longue manufacture d'Europe : 374 mètres ! Elle peut réalise le cordage d'une encablure de 200 mètres d'un seul tenant. Sa construction, rendue difficile sur ce sol vaseux et inondable, nécessita la pose d'un robuste radier de troncs de chênes. La Corderie, fermée en 1867, tombe dans l'oubli, étant même incendiée en 1944. Réhabilitée en 1976, elle est au cœur d'un Parc de 18 ha en bord de Charente. La visite du Musée permet de prendre la mesure des puis-sants trains de mise en torsion du chanvre et d'appréhender les techniques, grâce aux vidéos, ré-trospectives, tablettes et démonstration de nœuds marins.

 

 
 

En quittant Rochefort, nous empruntons le Pont sur la Seudre, au-dessus des parcs à huîtres et traversons la pinède de la Coubre avant d'atteindre Saint-Palais. Pêche au carrelet à Saint PalaisLà, on aperçoit sur la corniche de Terre Nègre des cabanes sur pilotis de pêcheurs au carrelet, balances à filet carré (les anciennes chaudrettes ou trouillotes) pour poissons et crustacés suicidaires...Quelques km encore et voici Royan, sur la presqu'île d'Auvert, face au Verdon.! De tout temps site stratégique convoité, la ville subit le terrible bombardement du 15 avril 1945, visant la poche de Royan. Reconnue ville martyre, Laboratoire de Recherche sur l'Urbanisation, Royan reconstruite est promue Patrimoine représentatif des années 1950 et Ville d'art et d'histoire en 2010. Des cinq conches de cette station balnéaire très prisée, seule la conche de Pontaillac a été épargnée par les bombes et conserve son aspect bourgeois de la Belle Epoque. La Corniche d'Argent trop étroite lui étant interdite, notre car débouche sur les Ports de Plaisance et de Commerce où mouillent plus de 1000 bateaux. La ville moderne est là, en deçà de l'Esplanade de Kerveno, avec ses immeubles d'après-guerre, disposés en arc ou rectilignes. Le Marché couvert et l'église Notre Dame, d'un modernisme et d'une audace absolus, sont les fleurons de la cité idéale prônée par Le Corbusier, Niemeyer ou Gillet dans les années 60. Inaugurée en 1958, l'église classée chef-d'œuvre de l'architecture moderne est parfois jugée choquante. Erigée sur un vaste parvis doté d'un autel en plein air, elle est totalement réalisée en béton brut et percée d'immenses verrières ; la nef -véritable vaisseau elliptique pour 2000 fidèles, d'une hauteur maximale de 36 m-, est coiffée d'une fine toiture en selle de cheval, épaisse de 8 cm seulement ! Le clocher, tel un amer, est haut de 65 mètres. A l'intérieur, la tribune, les orgues de Boisseau, le grand vitrail du chœur et ceux losangiques du chemin de croix composent avec le déambulatoire et quelques sculptures au sol un ensemble original aux lignes pures. La dégradation rapide du béton entraîne des travaux de restauration incessants. Le Marché couvert, aperçu un instant, est un immense coquillage renversé blanc, sans pilier intérieur, dont la corolle ondulée prend appui sur 13 points avec une voilure mince de 8 cm ! On quitte Royan en longeant le Parc dominant la Grande Conche pour nous rendre à Talmont sur Gironde, dernière étape. Au large de l'estuaire, le Phare de Cordouan se dresse en pleine mer. Nous traversons Meschers sur Mer, célèbre pour ses grottes de Régulus. Voici Talmont, ville close créée en 1284 par Edouard Ier. En surplomb, le bourg apparaît tel un navire dont l'église Talmont. Sainte Radegonde; détail des voussures romanesSainte Radegonde serait la proue ; il est resté le même depuis 8 siècles avec ses venelles à angle droit et ses maisons aux façades blanches et volets colorés occupées par les échoppes d'artisans, artistes, libraires et stylistes. Le chemin de ronde, le long de la falaise, est un belvédère unique sur l'estuaire de la Gironde et les côtes du Médoc. La porte ouverte sur le vide de la Tour Blanche, est là, orpheline de la citadelle emportée -on ne sait quand- lors de l'effondrement d'un pan de roche. Plus loin, c'est la vue sur l'alignement des carrelets de la Roche de Caillaud, réaménagés après la chute de la falaise et de 21 cabanes de pêcheurs lors de la tempête de décembre 1999. L'église Sainte Radegonde, du 12ème siècle, perdît aussi, lors de terribles tempêtes, son narthex, une partie de la crypte et d'une travée de la nef, reconstruite au 15ème siècle. En 1999, on termina dans l'urgence le mur situé sous le chevet. La devise Talmont au péril des flots est toujours d'actualité ! L'église, cistercienne par son intérieur sobre, se rattache à Cluny pour le riche décor sainton-geais de l'abside et du porche. Seule subsiste la base du clocher carré initial. Le cimetière marin, face à l'église, très fleuri, est l'héritier du clouzit médiéval entourant les églises de Saintonge. Jusqu'au 18ème siècle, une rue séparait les enclos catholique et protestant.

 

 
 

Ainsi s'achève notre périple, riche en images d'un terroir dont l'identité s'est forgée autour de valeurs humaines et culturelles qui, au-delà des guerres et des conflits politiques, religieux et économiques, ont été vaillamment défendues. Cela nous a valu de découvrir les facettes d'un patrimoine de grande qualité, tout à la fois robuste et nuancé comme les milieux naturels et humains dans les-quels il s'est construit. L'hospitalité et les plaisirs de la table ont, pour leur part, contribué à l'atmosphère conviviale qui régna tout au long d'un voyage au cours duquel le souvenir de Pierre Loti fût implicitement présent. Pierre Loti nous a implicitement accompagnés. On comprend probablement mieux maintenant pourquoi, enfant du pays charentais, il appréciait la sérénité et l'agrément de cette région, au retour de ses équipées lointaines.


Flash d'Information

 

Visite de l’exposition « Cathares, Toulouse dans la croisade »
aux Musées Saint Raymond et aux Jacobins.

Le 03 décembre 2024 - 10h15 devant le Musée

https://amopa31.net/index.php/82-accueil/470-visite-de-l-exposition-cathares


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Conférence " Les Francs-Maçons dans la Résistance -

L'exemple du Midi toulousain "

(Dans le cadre des Mercredis de l'AMOPA)

Le 04 décembre 2024 - 15h
Salle du Sénéchal - 17 rue Charles de Rémusat - Toulouse


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Conférence sur le destin du Marxisme

Le 9 décembre 2024 

Maison des associations, 3 place Guy Hersant - Toulouse


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Association des Membres de l'Ordre des Palmes Académiques (31)

Conférence " Les Justes en Occitanie "

Le 22 janvier 2025 - 15h