"La prémonition de Socrate : Nihilisme et Démocratie"
Le 8 mars 2024 - 18h
Maison des associations à Toulouse - 3, place Guy Hersant, Toulouse
Conférence de M. Christian Savès, Doctorat en Sciences politiques, habilitation à diriger des recherches.
Ancien élève de l’E.N.A. Politologue. Haut fonctionnaire. Activités d’enseignement et de recherche. Ancien directeur des études à l’E.N.A.
Socrate a eu, vraisemblablement le premier, la prémonition du caractère nihiliste de la démocratie : en elle, vérité et politique se trouvent durablement (définitivement ?) dissociées. En effet, la démocratie est, par essence, bref par nature, porteuse d’un relativisme des valeurs ne la prédisposant pas à reconnaître au Juste et au Vrai (ces deux grands idéaux socratiques) une place, une autorité supérieure à toutes les autres valeurs. Ainsi, le statut qu’elle est naturellement disposée à leur reconnaître n’est-il que relatif, contingent… et certainement pas absolu. Au fil du temps, Socrate s’est donc retrouvé dans une opposition frontale et radicale, par rapport à la démocratie athénienne et aux conditions objectives dans lesquelles elle fonctionnait. Pour lui, le Juste et le Vrai étaient des « impératifs catégoriques » (au sens kantien de l’expression) et, à ce titre, ils devaient rester intangibles, non négociables et s’imposer tels quels à la conscience des citoyens. Cette circonstance explique alors le procès qui fut fait à l’homme, un procès dont le véritable mobile est éminemment politique. Il fallait, à tout prix, le réduire au silence, tarir à jamais la parole socratique. La condamnation à mort était un moyen expédient d’y parvenir. A cet égard, le procès qui s’ouvre à Athènes, est moins le procès fait à Socrate, « intuitu personae » que celui que la démocratie athénienne fait à la vérité, dans la sphère politique. Il fonctionne donc comme un révélateur du malaise ambiant et du nihilisme dont était porteuse la démocratie athénienne, déjà confortablement installée dans le déni de réalité. Dans le registre symbolique, avec Socrate, c’est bien la vérité qui est mise à mort, une vérité dont Athènes ne voulait pas ou plus…