De MONTANS à LAUTREC,
ou une belle journée en Pays Tarnais, le 12 septembre 2009.
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Afin de prolonger l’été, les vacances et d’aborder la rentrée allègrement l’AMOPA 31 nous a conviés à participer à une sortie en Pays Tarnais.
Entre Toulouse et Albi , à 5 km à peine de Gaillac ,nous arrivons à Montans , un petit village qui fut l’un des plus grands centres de production de céramiques et poteries antiques .Situé au sommet d’un éperon, sa position privilégiée a favorisé l’occupation humaine de manière constante à travers le temps.
Le caractère antique du site n’est connu que depuis le XVIIIe siècle .La découverte des potiers montanais et de leurs officines date de 1855.
Ce site au passé archéologique doit sa renommée à la qualité des vases sigillés qu’on y fabriquait au II e siècle avant notre ère.
De l’oppidum gaulois, Montans devient sous l’Empire romain une agglomération productrice de poteries. C’est alors un oppidum-marché : les échanges commerciaux sont suivis et fructueux, on recensera jusqu’à 600 estampilles de potiers.
M. Lacombe, maître d’art, nous présente l’Archéosite de Montans et en particulier, il nous fait découvrir la «terra sigillata», la céramique sigillée qui est une catégorie de vaisselle en terre cuite présentant un brillant rougeâtre. Passionné, chercheur «redécouvreur» des anciennes techniques, il nous fera partager sa passion pour ce patrimoine lointain.
Fabrication de la poterie sigillée
Le premier travail consiste à malaxer l’argile que l’on trouve dans les carrières toutes proches (à St Amans Soult) afin d’obtenir une boule malléable.
L’argile est alors placée à l’intérieur d’un moule en terre cuite sur lequel sont gravés les décors. La pâte est fortement pressée pour que les motifs s’impriment en relief .On se sert d’un tour en bois pour régulariser l’épaisseur des pièces. Des poinçons estampillent le fond de la pièce imprimant en creux la marque du potier. Après démoulage, les vases sont trempés dans l’engobe rouge ou blanc et seront rehaussés de décors géométriques peints à la plume d’oie, ou le décor sera élaboré à la barbotine ; viendra alors le séchage sur les étagères avant la cuisson à l’abri du soleil.
Les décors sont divers et variés : frises, arcatures, festons, médaillons, croix, éventails, des motifs végétaux des sujets mythologiques, des animaux, des dessins géométriques, le tout d’une qualité esthétique et d’une finesse qui ne nous laisse pas indifférents .
Tous ces objets du quotidien, du culte, ces objets d’art, ne sont-ils pas là, les jalons de la pensée humaine ?
Le deuxième travail consiste à la fabrication du four dont nous pourrons voir la reconstitution dans le jardin de l’Archéosite.
La cuisson est une opération complexe, elle dure une journée entière à près de 1000 degrés pour obtenir une pâte dure et solide. La couleur change selon la température atteinte et sans thermomètre, seul l’œil avisé du potier, permettait de savoir si la température était correcte ou s’il fallait alimenter plus ou moins le foyer. Si un coup de feu survenait tout ou partie de la fournée était jetée. Les pièces sont cuites en atmosphère oxydante : la fumée est canalisée par des conduits permettant son évacuation et ne pénètre pas dans la chambre de cuisson.
Les fours pouvaient contenir plusieurs centaines de pièces empilées, « les moutons », soigneusement calées par des « sucres ».
Après cuisson, les fours étaient vidés, les pièces défectueuses étaient jetées au rebut, les autres étaient vendues.
On trouve une grande diversité d’objets : amphores, amphores vinaires, des plats, des cruches, des vases culinaires, des pesons en terre cuite, des tuiles, des briques, des statuettes ( grâce à des moules à deux valves ), des vases, des lampes à huile pour le culte. Ces productions sont vendues dans tout le bassin de la Garonne et dans tout l’Empire romain.
Une rue gallo-romaine
La reconstitution d’une rue gallo-romaine, convie le visiteur à un voyage dans le passé du temps de Néron.
On y découvre la vie quotidienne des montanais et de ses illustres potiers. Une ruelle étroite au sol irrégulier, de part et d’autre des boutiques : le boulanger avec son étal de pains tout juste sortis du four, le forgeron et sa panoplie d’outils travaillés à la forge, la taverne, le potier et sa vitrine de sigillés. Au fond de la rue, nous pénétrons chez un montanais dans une maison romaine : les pièces s’organisent autour de l’atrium dont l’impluvium récupère les eaux de pluies. Un petit laraire réservé aux divinités protectrices de la maison, une cuisine avec son foyer et sa réserve de bois, deux petites chambres à coucher très modestes et la salle à manger, avec trois banquettes, disposées tout autour de la pièce, recouvertes de coussins, composent l’ensemble de la maison.
Lors de travaux de voirie dans la rue principale de Montans, en 1992, un engin de chantier, en creusant, heurta un encrier en céramique sigillée « le trésor de Montans ». Il contenait 40 aurei qu’un potier montanais avait caché jadis à la base de la fondation d’un mur. Ces pièces d’or frappées au nom des empereurs Auguste, Tibère et Claude, une fortune considérable pour l’époque. Epargne d’un commerçant propriétaire d’une officine de sigillés ? Qui sait ?
Nous pouvons grâce à tous ces témoignages du passé prendre toute la mesure de l’importance et de la richesse de ce patrimoine d’exception. Richesse archéologique d’une grande valeur patrimoniale et culturelle pour le département du Tarn avec la présentation et la mise en valeur de fouilles présentées dans l’Archéosite de Montans.
M. Adelle, président de l’Archéosite de Montans, nous invite à la découverte de l’histoire de ce territoire et de l‘organisation des sociétés qui s’y sont succédées. Dans un paysage difficilement imaginable en ces lieux, la savane africaine, les premiers hommes parcourent les terres à la recherche des matériaux pour la fabrication d’outils performants pour la chasse (hache polie, percuteur, pointe de flèche, racloirs …).
Les Rutènes, tribus celtes (installées sur l’oppidum de Rodez) exploitent les richesses du sous- sol, le cuivre, l’argent et développent l’agriculture (le blé l’orge, le lin). Ils façonneront des bijoux, les torques précieux, que l’on retrouvera dans les tombes. Les gallo–romains exporteront dans toute l’Europe une industrie de terre cuite grâce au réseau routier.
Au Moyen Age, le paysage urbain est façonné, le commerce et les échanges sont favorisés avec la création des bastides.
La mission de l’Archéologie aujourd’hui est essentielle par l’inventaire des fouilles, leur protection, leur conservation, mais aussi par la diffusion de la connaissance pour enrichir la mémoire collective.
C’est pour nous un enrichissement culturel évident, une réflexion sur nos sociétés pour une meilleure compréhension du chemin parcouru, nous permettant de redécouvrir le lien entre l’homme et son environnement, pour nous faire prendre conscience qu’il n’est pas un objet que l’on façonne ou que l’on maltraite, mais qu’il fait partie de nous–mêmes et de notre équilibre. « Le trésor de toutes les connaissances est la mémoire » écrivait Cicéron.
En fin de matinée, c’est à la très bonne table de l’auberge de « Garde Pile », à Lautrec, dans une belle salle aux poutres apparentes, que le déjeuner a enchanté nos papilles et nous avons apprécié la finesse des plats et l’accueil convivial de ses hôtes.
Nous poursuivrons notre visite avec le village de Lautrec.
Classé sur la liste des plus beaux villages de France, mais aussi berceau de la famille du peintre Henri de Toulouse Lautrec, ce village médiéval implanté en Pays de Cocagne est resté pittoresque et rural.
Un patrimoine architectural, comme le moulin à vent qui domine Lautrec dernier témoin d’une activité certaine autrefois. Rénové, il tourne encore, il est devenu l’emblème des lieux. Du moulin s’offre un point de vue panoramique sur le village et la plaine.
La maquette de l’Office du Tourisme, nous révèlera un village important et fortifié, le dernier témoignage étant la porte «Caussade » qui contrôlait avec sept autres portes fortifiées, l’accèsà la cité du XIIIe siècle.
Le couvert de bois abritant le marché, les pavés, les habitations à colombages et à encorbellements, la présence de silos dans le sous-sol, la collégiale St Rémy, le plus ancien édifice de Lautrec (XIIIe siècle), donnent à l’ensemble un cachet, conservé au fil des siècles.
La collégiale St Rémy
Dans le chœur, l’autel en marbre de Caunes, les peintures réalisées en 1852 forment un décor en trompe-l’œil sur un fond bleu pastel.
L’orgue du XIX e siècle a été construit à l’image de l’orgue peint en trompe-l’œil sur le mur des tribunes.
Les ateliers d’artisanat comme l’échoppe du sabotier nous rappelle une époque désuète et pourtant si proche.
La culture de l’ail rose qui agrémente les plats d’un goût inimitable a favorisé la renommée de ce village.
Nous quitterons Lautrec pour rejoindre Toulouse : Une belle journée riche et très agréable.
Odette Latour