Histoire du Groupe de Toulouse
et de Saint-Lys Radio
le mercredi 20 novembre 2013
Par Jean-Marie DERUELLE, président de l’Association
« Art, Culture et patrimoine de Saint-Lys »
Compte rendu : Louis Galtie - Vice-Président AMOPA 31
Si certains des 80 participants à l’après midi du 20 novembre 2013 ignoraient tout de St-Lys Radio, pour beaucoup d’autres les souvenirs étaient encore bien présents et un son d’accordéon revigorant et rassurant leur revenait en mémoire :
« Hardi les gars, vire au guindeau…. »
M Jean Marie Deruelle dont la carrière s’est entièrement déroulée au service de la radio et qui a exercé à St Lys de 1968 jusqu’à sa retraite en 1996 nous brosse, avec une grande et belle passion, un tableau historique complet des radiocommunications internationales de la France de 1936 à l’étape de 1984 pour arriver à la cessation d’activité définitive des centres de la Haute Garonne en 1998 .
Jean Marie DERUELLE
En 1936, les stations radio destinées aux relations internationales sont toutes basées dans la région parisienne et sont exploitées par la Compagnie Générale de Télégraphie sans fil. Pour les stations destinées aux colonies, la centralisation est moins marquée puisque les émissions doivent partir de Lyon la Doua (69) ou de la Croix d’Hins (40) ; elles sont exploitées par la TSF des PTT.
Le développement rapide des radiocommunications avec les colonies d’Afrique et d’Indochine entraîne l’administration à choisir un regroupement de la majorité des stations dans un lieu préservé des perturbations électriques mais aussi éloigné de la portée de l’aviation allemande. Ce sera la Sologne avec Thénioux, Champfleury, Allouis. ; et les travaux sont menés bon train à partir de 1938.
La désastreuse campagne de France de 1940 et l’invasion allemande obligent le gouvernement de Vichy à décider de retenir la région de Toulouse (en zone libre) en raison de sa proximité plus marquée de l’Afrique et pour ses capacités d’approvisionnement en eau et en électricité de grande puissance. C’est la création du Groupe de Toulouse, tête d’un réseau électrique gouvernemental mis au service de tous les départements ministériels. Les nouveaux sites se répartissent entre Fontenilles, Muret et Le Vernet.
Les travaux commencent à Fontenilles en 1942 pour Saint- Lys Radio. Cependant un décret allemand de 1943, interdisant la construction et l’usage de tout émetteur en France, contrarie ces projets qui avancent malgré tout par manque de vigilance de l’occupant. Enfin en 1945 tout est pratiquement terminé et équipé mais le gouvernement étant rétabli à Paris, on décide de remettre en service Pontoise, Noiseau, Villecresne, Rambouillet…. Que faire des constructions du Groupe de Toulouse ?
Á partir de 1946-1947 l’idée germe de créer un ensemble pour les télécommunications à grandes distances avec les navires en mer .En effet, Le Havre radio pour l’Atlantique et les Saintes-Maries radio pour la Méditerranée ont été détruits.
On gardera donc Saint-Lys pour la réception et l’exploitation, Le Vernet pour le centre émetteur tandis que le Bureau Central Radio de Muret est rendu au service des prisons.
Après des essais concluants avec les navires français en mer le service officiel Saint-Lys radio est ouvert.
En septembre 1948 mise en service dans les bandes marines de 4, 8, 12, et 16 Mhz réservées à la télégraphie morse, ouvertes (selon la propagation) de jour et de nuit.
Les agents de Saint-Lys radio sont à l’écoute permanente des navires pendant 24 heures, sur la fréquence du 8 Mhz. Dès le début c’est un succès, les appels des navires français et étrangers sont nombreux.
Toutes les deux heures, l’écoute des diverses fréquences est suspendue afin de transmettre la liste des messages en instance pour les navires et éventuellement des avis de sécurité ainsi que des demandes de secours émanant de navires en difficulté ou des avis de recherches.
Des services complémentaires indispensables à la marine sont ouverts :
- La diffusion de bulletins météo marine pour la Méditerranée et pour l’Atlantique Nord (deux fois par jour) et d’avis aux navigateurs (tempêtes, incidents de mer…)
- Les consultations radio-médicales en liaison avec les services du SAMU qui vient d’être créé à l’hôpital Purpan de Toulouse par le professeur Louis Lareng.
Saint-Lys radio alors dispose d’un ensemble de liaisons télégraphiques, dont une ligne avec le Bureau Central Radio à Paris et une autre avec la Marine Nationale utilisée lors de ses exercices en mer. Des lignes spécialisées (directe avec l’Elysée….) en font un centre « zone sensible ».
Ce service fonctionnera jusqu’au 16 décembre 1996.
En 1953, un service de radiotéléphone est ouvert. Il bénéficie de l’essor rapide du téléphone en France, il permet aux radios de rapprocher les membres de l’équipage et leurs familles, les armateurs avec leurs capitaines, et pour les paquebots français (Paquet, C.G.M.) d’assurer de même le dialogue avec les familles.
Pour communiquer, les radios de bord des navires intéressés règlent leurs émetteurs sur la fréquence d’écoute de Saint-Lys radio, leurs récepteurs sur la fréquence d’émission diffusant la bande annonce « Ici Saint-Lys radio, service radiotéléphonique avec les navires en mer. Cette transmission est effectuée au niveau normal de parole pour permettre le réglage des récepteurs de bord », suivie des premières notes de la chanson « Hardi les gars, vire au guindeau » à l’accordéon, un air qui devient célèbre sur toutes les mers du monde.
Cependant les communications les plus médiatiques concerneront les liaisons avec les PC des Courses transatlantiques et autour du monde (Route du Rhum, Transat des alizés, Vendée Globe, La Baule Dakar…), leur effet médiatique (radios, télévision) apporte alors une certaine notoriété à la station.
Le 3 mars 1975, une première position manuelle de radio télex est mise en service à Saint-Lys. Le radio télex appelé également TOR est un procédé de transmission de textes télex sur une voie radio, avec correction automatique des erreurs. Devant le succès, d’autres positions suivent. Le 5 juin 1984 s’ouvre en première mondiale un service entièrement automatique. Il est modernisé en 1991.
Á la fin des années 80, la radiotéléphonie s’ouvre à d’autres usages. Après des études comparatives menées auprès de Berne radio et de Portishead radio (Cornouailles anglaise) il devient évident que l’on doit ouvrir à d’autres activités :
- En 1988 rétablissement en urgence des communications locales lors des inondations de Nîmes, du tremblement de terre en Arménie.
- Capacité donnée à des stations, étrangères ou isolées, de communiquer lors de conflits (200 stations spécifiques ont alors un accord commercial avec Saint-Lys radio).
- Installation de positions qui permettent des liaisons courtes avec les avions long-courriers.
Les dernières années : Les évolutions techniques de communication (satellites, etc….), l’ouverture à la concurrence internationale, la régression de la flotte française de commerce et de pêche précipitent la liquidation d’un service qui malheureusement devient non rentable.
Le 16 janvier 1998 Saint-Lys radio et Le Vernet cessent leurs activités après cinquante ans de services destinés au monde de la mer. Cyniquement notre direction parisienne invite nos clients à passer par Ostende ou Berne radio…..
En l’an 2000 toutes les stations côtières françaises sont fermées à la grande déception de la pêche côtière, de la plaisance, des organisateurs de courses au large.
Epilogue :
Le reclassement du personnel sur Toulouse va maintenir dans le canton de Saint-Lys, nombre d’anciens radios nostalgiques d’une période où l’humain n’était pas encore supplanté par la machine. La tête pleine de souvenirs sur des
événements passés en mer, ils conservent souvent des liens privilégiés avec des radios de bord. Ils attendent que, bientôt peut-être, Saint-Lys radio soit plus qu’un souvenir : l’espoir d’un lieu de mémoire qui devrait ouvrir en 2014 par la création à Saint-Lys d’un Conservatoire du Patrimoine.